Le santon made in Provence veut protéger son origine
Une vingtaine de fabricants se fédère pour obtenir une indication géographique protégée et se prémunir de délocalisations à bas coûts – comme en Tunisie. Mais certains restent à distance
Les calissons d’Aix, fabriqués en Chine ? Les santons de Provence en Tunisie ? Dans les crèches familiales et sur les marchés de Noël, la tradition ne risque-t-elle pas de succomber au business ? « L’authenticité du santon de Provence » est devenue matière à débat, tant ce petit emblème provençal est apprécié bien au-delà du sud de la France. La question est sortie tel un diable de sa boîte, avant les fêtes de fin d’année, il y a deux ans. Coup de tonnerre : un grand santonnier avouait que sa production – une partie seulement, selon lui – était produite en Tunisie. « C’est vrai que c’est le point de départ de notre démarche. On avait des doutes, mais là, on en a eu des preuves », se remémore Denis Muniglia, santonnier à Marseille.
« Faire barrage »
Aujourd’hui, Denis Muniglia est président de la jeune Union des fabricants de santons de Provence (UFSP), dont les statuts annoncent vouloir «faire barrage aux fabrications étrangères se prévalant indûment du terme santons de Provence ». Le projet principal est d’obtenir un label Santon de Provence avec une Indication géographique (IG). Le label rendrait impossible d’accoler le terme Provence à un santon moulé, cuit et peint… à l’extérieur de la France, comme c’est le cas aujourd’hui. « C’est en 2015 qu’est survenue l’Indication géographique, un label d’État, voté au Parlement. C’est l’équivalent d’une AOC pour les produits agricoles. Il y aura donc une certification en lien avec un cahier des charges, que nous sommes en train d’écrire.» Et des contrôles à la clé, dans les ateliers. L’espoir est de voir aboutir le dossier ouvert à l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle. D’ici Noël 2017, le santon tunisien ne pourrait plus être vendu sous l’annonce trompeuse de santon de Provence. « Un santon, c’est emblématique. Le client achète un peu de Provence. S’il en doute, le marché s’effondrera, assure Denis Muniglia. Délocaliser n’est pas illégal, mais le label santon de Provence ne pourra plus être utilisé indûment. »
Information loyale
Il s’agit autant de délivrer une information loyale au client, que de faire la chasse à la concurrence déloyale entre fabricants. «Ce qui coûte dix euros en France va en coûter deux, en Tunisie. » C.Q.F.D. La profession cherche à marquer sa différence, en s’engageant sur une production locale, malgré des limites géographiques pas si restrictives (lire ci-dessous). Certains restent pourtant en dehors de la démarche, en redoutant que le processus ne profite qu’aux « gros faiseurs ». « Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine d’adhérents, sur 150 professionnels, aussi avec des petits artisans, argumente Denis Muniglia .Le groupe que nous sommes représente 75 % de la production. » Il précise encore que « le but est de rassembler tous les santonniers de Provence ». La seule exclusion vaut… pour les importateurs. Ouf.