Var-Matin (Grand Toulon)

« C’était comme la suite de Nice »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Amal ne regarde plus la télévision. Elle ne le peut plus, ne le veut plus. La vision effroyable de ce camion noir encastré dans le marché de Noël de Breitschei­dplatz, dans sa ville de Berlin, rappelle trop à cette lycéenne allemande le camion qui a fauché sa jeunesse, le 14 juillet à Nice. Ce monstre blanc qui a emporté trois compatriot­es, dont Silan Aydin, sa meilleure amie [voir nos éditions d’hier]. « Quand nous avons vu les images, tout est revenu. Nous étions comme paralysées. Nous ne savions que trop bien ce que ces familles étaient en train de vivre... » A l’autre bout du fil, Caroline, 50 ans, parle d’une voix claire et posée, masquant ses félures de maman éprouvée. Sa fille Amal, 19 ans, a passé de longues journées entre la vie et la mort cet été. Et voilà que le cauchemar du camion fou la suit jusque chez elle, au coeur de Berlin. Vendredi dernier, Amal quitte l’hôpital berlinois, cinq mois après son admission en soins intensifs au CHU de Nice. L’attentat sur la promenade des Anglais lui a causé de terribles séquelles physiques : traumatism­e crânien avec hémorragie cérébrale, fracture ouverte du fémur, fractures des vertèbres, omoplate gauche broyée, terminaiso­ns nerveuses arrachées... Il aura fallu une opération exceptionn­elle pour rendre un début de mobilité à son bras gauche. Le 16 décembre, le jour tant attendu est arrivé. Ce moment synonyme d’entrée « dans une nouvelle vie », dixit Caroline. La tante d’Amal habitant près de Breitschei­dplatz, les trois femmes prennent rendez-vous en terrasse, à la Maison bikini, ce lundi 19 décembre à 18 h. Mais Amal, fatiguée par son premier jour en centre de rééducatio­n, décide d’annuler. Inspiratio­n salvatrice...

« Elle doit terminer son voyage à Nice »

« Amal n’a gardé qu’une image floue du camion de Nice. Mais ce qu’elle a vu à la télé, c’est comme la suite de ce qu’elle a vécu, soupire Caroline. Elle est effondrée. Si Amal avait été à cet endroit, elle n’aurait pas été touchée... Mais elle aurait tout vu. Cela aurait été un choc très difficile à surmonter. » Un choc de plus, pour celle qui espérait renouer avec son ancien cadre de vie. Pour cette jeune fille souriante, dont la fraîcheur insouciant­e illumine les photos ramenées de Nice. Aujourd’hui, Amal a « souvent le regard dans le vide. C’est une régression dans son rétablisse­ment psychologi­que. » Et une nouvelle secousse pour sa famille tout entière. Caroline est une mère en colère. Convertie de longue date à un islam fait de tolérance, elle fulmine de voir des crimes perpétrés en son nom. « On parle de terrorisme. Mais c’est l’affaire d’une personne détraquée, qui s’octroie le droit de vie ou de mort sur les autres ! » Caroline préfère retenir les lueurs d’espoir. Ces « soins médicaux de première qualité » reçus cinq mois durant à Berlin. Ou cette empathie bouleversa­nte manifestée par des inconnus devenus des amis, à l’instar de Léonie FrankNiro, qui l’a accueillie à Nice. Quoi qu’il advienne, Caroline en est persuadée : « Amal veut revenir à Nice. Ce sera à elle de donner le signal, quand il sera temps d’y retourner. Elle doit terminer son voyage. »

 ?? (DR) ?? Amal (à droite) avec sa meilleure amie, Silan, décédée le -Juillet. Le temps de l’insoucianc­e sur la Côte d’Azur, peu avant le drame. Sortie vendredi de l’hôpital à Berlin, Amal a failli revivre le cauchemar à Breitschei­dplatz.
(DR) Amal (à droite) avec sa meilleure amie, Silan, décédée le -Juillet. Le temps de l’insoucianc­e sur la Côte d’Azur, peu avant le drame. Sortie vendredi de l’hôpital à Berlin, Amal a failli revivre le cauchemar à Breitschei­dplatz.

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