Jean-Luc Bennahmias : «Les h vont très bien»
Candidat à la primaire de La Belle Alliance populaire, le président du Front démocrate milite pour un très large rassemblement progressiste, articulé autour des valeurs de l’écologie
On souhaite bon courage à ses contradicteurs lors des débats… Jean-Luc Bennhamias, candidat du Front démocrate à la primaire de la gauche, parle comme une mitraillette. Cet écologiste bon teint ne manque assurément pas de souffle, lui qui, à 62 ans, boucle des courses pédestres de 10 km en une heure, malgré son paquet de cigarettes quotidien.
Pourquoi cette candidature ? Je veux essayer de réunir dans ce pays une majorité progressiste extrêmement ouverte. A savoir une majorité qui dépasse le cadre de l’ex-gauche plurielle, le cadre de l’ex-majorité et qui aille de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon à celui de François Bayrou et à une partie de celui de Nathalie Kosciusko-Morizet, en passant par les électorats socialistes, écolos, radicaux. Ce sont tous ceux-là qui peuvent dessiner une majorité démocrate dans le pays, face à une majorité que j’appelle réactionnaire, soit autour de M. Fillon, soit autour de Mme Le Pen.
Le quinquennat de Hollande ? J’en tire le bilan que beaucoup de Français en tireront une fois que le temps aura fait son oeuvre. Depuis qu’il a annoncé sa noncandidature, on voit bien qu’il retrouve des points dans les sondages. Il n’a pas tout réussi. Mes principales critiques portent sur la déchéance de nationalité et sur la manière ahurissante dont a été menée la loi Travail. Mais il faut mettre à son crédit la COP , sa réaction totalement à la hauteur face aux attentats. Par ailleurs, au regard de ce qui s’est passé en Grèce, en Italie, en Espagne ou au Portugal, des pays qui ont été obligés de lancer des politiques de réductions sociales, la France a réussi à ne pas baisser les revenus des retraités, des fonctionnaires et, en grande partie, il n’y a pas eu chez nous de baisse des revenus des salariés.
Qu’est-ce qui vous distingue de François de Rugy ? Deux candidats écologistes à cette primaire, ce n’est pas un de trop ? Est-ce que quatre frondeurs, ce ne sont pas deux ou trois de trop ? Lui balise sa campagne sur l’écologie. Moi, je n’ai pas besoin d’en rajouter sur ce thème, au regard de mon parcours durant lequel j’ai notamment été membre des Verts durant vingtcinq ans. Chez moi, les éléments républicains, démocrates et écolos vont de pair. Vous proposez un revenu universel d’environ euros. Vous Président, comment s’articulerait le monde du travail demain ? Le monde du travail demain, et c’est déjà le cas aujourd’hui, sera marqué par l’uberisation, qui pose de graves problèmes de maîtrise, de régulation, de redistribution, de charges sociales, de sécurité. Ce monde-là doit être régulé. Le revenu universel que je propose serait pour tout le monde, y compris les enfants, avec des sommes de à euros les concernant. Il serait financé en regroupant les différentes allocations, ce qui permettrait d’abonder en partie les à milliards nécessaires pour le payer. Ce revenu universel ne finirait en outre pas sur un livret A. Il serait forcément réinvesti dans la consommation et générait donc de la TVA et d’autres taxes pour les finances publiques. Pour ce qui est du temps de travail, au regard notamment de l’uberisation dont je viens de parler, les heures vont très bien. Dans les années qui viennent, le temps moyen de travail moyen annuel ne sera pas supérieur à h par semaine. En revanche, il y aura des semaines où l’on travaillera heures et d’autres heures.
Votre position sur le nombre de fonctionnaires ? Il faut globalement en garder le même nombre, mais avec un recalibrage dans la répartition des fonctions. Il peut y en avoir moins dans certaines corporations, mais tout le monde voit bien qu’en matière de santé, de sécurité, de justice, on ne peut pas réduire leur quantité. Vous prônez le développement durable, l’économie circulaire. Par quelles mesures concrètes ? Il faut déjà mettre en oeuvre l’excellente loi sur la Transition énergétique, qui vise notamment à développer les énergies renouvelables et l’isolation. Tout cela est créateur d’emplois. Quand on crée un produit, il faut aussi réfléchir à son utilisation, à son recyclage, à ce qu’il n’ait pas une obsolescence programmée. Ce type d’économie permet d’être sobre dans l’utilisation des matières premières.
Que proposez-vous pour moderniser notre vie politique ? La proportionnelle, mais aussi la limitation des mandats majeurs à deux d’affilée, sauf dans les villages que j’exempterais de cette mesure. Et puis je fixerais un âge maximum de ans pour se présenter à des fonctions importantes. Pour les députés, cela mettrait ainsi la fin de carrière d’un grand leader politique à ans, ce qui me paraît honorable. Je suis d’autre part favorable à la suppression du Département dans les départements urbains où les Métropoles ont vocation à le remplacer. Il faut garder le Département uniquement dans les zones rurales où il a une réelle utilité.
Vous suggérez un service civique obligatoire... Je veux discuter avec les mouvements de jeunesse pour le mettre en place. Pour moi, il ne doit pas remplacer les emplois, mais faire en sorte que des gamins se retrouvent ensemble pendant un certain temps, neuf mois, pour créer du lien social, de manière transversale entre les différentes catégories sociales. Ces jeunes pourraient venir s’insérer dans des écoles de sport, de danse ou de musique où ceux qui oeuvrent aujourd’hui sont des bénévoles, ce qui ne pénaliserait ainsi pas l’emploi.
Quelles sont vos propositions en matière de sécurité ? Sur ce point, je pense que la France n’est pas trop mal armée, même si cela n’a pas empêché des attentats dramatiques. Hors terrorisme, je suis pour une police de proximité connue et reconnue par ses concitoyens. Sur le volet terroriste, je ne rajouterais rien à ce que fait actuellement l’Etat français, je n’ai aucune critique à apporter à nos dirigeants dans ce domaine. Chacun voit bien que l’horreur absolue nous est tombée dessus à Nice et à Paris, alors pourtant que tout avait été mis en place pour que cela n’arrive pas. Vous voulez défendre l’exception culturelle française. Comment ? En continuant ce que nous faisons : les financements publics du cinéma, l’aide aux intermittents du spectacle et en séparant la culture du marché en général pour en faire une spécificité française qui nous permet d’avoir encore un cinéma, des groupes musicaux, du théâtre. Grâce aux moyens et aux barrières mis en place, nos séries sont très appréciées sur le marché mondial.
Vous voulez légaliser le cannabis. Pourquoi ? La police le dit elle-même, elle perd son temps à aller chercher des petits consommateurs qui se comptent par centaines de milliers. Les exemples de légalisation ou de dépénalisation ont montré dans d’autres pays que cela permet de dégager des forces de sécurité pour s’occuper du grand banditisme. Rester sur une loi qui interdit le cannabis est hors du temps. Cette loi fait que se développent dans nos quartiers des économies parallèles. Des gamins de moins de quinze ans ont un sifflet à l’entrée des cités et gagnent ou euros, ce qui n’est encore rien par rapport aux assassinats que l’on voit quasiment toutes les semaines à Marseille et à des mômes qui se sentent les rois du pétrole parce qu’ils ont une Kalachnikov. Mieux vaudrait davantage de présence policière sur d’autres missions. Et l’argent perdu dans la guerre à la drogue serait mieux utilisé dans la prévention. Etant bien entendu que je maintiendrais une interdiction de consommation pour les moins de dix-huit ans.