Var-Matin (Grand Toulon)

Le côté matériel est en train de me rattraper...”

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aux urgences de Dignes, en réanimatio­n pendant cinq jours et aveugle le temps d’évacuer le venin... Ça m’a servi de leçon ! » Le prix de la plénitude solitaire qu’elle cultive sans vergogne en se moquant un peu du road trip façon Into The Wild. « Quand on vit comme ça, il ne faut pas se louper et garder constammen­t ses cinq sens en éveil. Sinon, c’est la mort », tranche l’indomptabl­e anachorète.

« Les promeneurs ne sont pas si fréquents. En général, ils gardent leurs distances, se demandent sur qui ils vont tomber... Un ogre, une sorcière ? Mon seul voisinage récent a été une rave party clandestin­e cet été ! », rigole Sandy, alors qu’au loin tonnent violemment les canons de Canjuers. Cocasse, la façade de sa cabane est constellée de crânes d’animaux trouvés en forêt. Son ex- 4x4, lui, a été converti en remise à grains pour ses chevaux et une antédiluvi­enne Punto s’est changée en « armoire » à Friskies pour ses trois chiens Nougat, Pataud, Chaussette et ses deux chats, Nanouche, Nouchka. Végétarien­ne, Sandy se nourrit pour sa part de fruits et légumes récoltés en magasins. Elle y fait le plein périodique­ment dans sa carriole anglaise conduite à droite, faute d’eau l’été et de pouvoir élever et cultiver quoi que ce soit dans ce vallon à croûte gelée, où le mercure se rétracte jusqu’à moins 18°C l’hiver… « Le côté matériel me rattrape… Administra­tivement, je suis considérée comme SDF. Je tiens avec le RSA, mais c’est difficile pour le bois et les vivres des animaux... Ça fait deux ans que je me dis que je ne passerai pas l’hiver. Des amis me dépannent... Je tiens bon, même si avec les années et mes maux de dos, ça devient dur physiqueme­nt... Revenir dans cette société ne m’intéresse pas, alors je me dis que l’alternativ­e serait un chalet pour écrire la suite d’Animale (lire ci-contre, Ndlr), sans faire dégeler l’encre du stylo sur ma lampe à pétrole, peindre, etc.», se prend-elle à rêver, tout en avouant tirer sa force de sa cabane. « Je fuis mes semblables, sans cesse source de déceptions... Il est évident que je dérive vers la misanthrop­ie, mais je n’ai pas de haine. Juste, je me détache d’eux...», s’auto-analyse la petite blonde qui a fait chavirer le coeur de bien des hommes. Avant qu’ils ne prennent leurs jambes à leur cou ! « Je les fascine et en même temps, je leur fais peur. C’est catastroph­ique ! À un moment, ils deviennent trop possessifs et craignent ce côté animal qu’ils ne savent pas gérer quand les choses leur échappent... Je viens encore de sortir d’une relation. Ça n’a pas marché. Je garde pourtant la porte ouverte, sans trop me faire d’illusions...», conclut Sandy, qui se console d’une tasse de café chauffée au propane, sous un parasol de branches d’aubépine. Sur une brouette en bois, empilée et pages collées, une intégrale des encyclopéd­ies sur La Nature achève de prendre l’humidité. Même pour ces ouvrages qui leur rendent hommage, les éléments n’ont pas de pitié. Derrière cette couverture bi-face, «loup-louve», l’oeuvre de Sandy Verbena, alias Ményanthès Da Sylva. Un pseudo de fleur sauvage pour cette Varoise qui se love dans la fiction pour mieux raconter son histoire peu banale. Celle d’une jeune citadine qui a fuices« villes grouillant­es comme de la vermine », pour planter sa bétaillère paillée au coeur du grand canyon du Verdon. Bien au-delà du récit « naturalist­e », une plongée dans une vie en surtension, avec ses joies, ses errements et ses romances contrariée­s. À lire pour s’enivrer des coups des griffes de cette grande misanthrop­e. Qui pourtant, au fil des pages, deviendra notre amie.

St Honoré, 450 p., 22,90

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