Var-Matin (Grand Toulon)

Cannes: «Cannes fête  ans de Festival»

- ANDRÉ PEYREGNE

Bien sûr, en 1933, Saint-Tropez ressemblai­t peu à ce qu’il est aujourd’hui. Il jouissait quand même d’une certaine célébrité depuis que l’écrivain Guy de Maupassant y avait fait escale en 1887 à bord de son yacht le Bel Ami. Le peintre Signac y avait abordé, à son tour, en 1892 avec son yacht l’Olympia et avait décidé d’installer son atelier à Saint-Topez. Il y avait même attiré plusieurs amis peintres. Colette, pour sa part, avait commencé à fréquenter le lieu dans les années 1920. Mais c’est surtout la venue de Léon Volterra, directeur des plus célèbres salles de spectacle parisienne­s comme le Casino de Paris, le Théâtre Marigny, le Lido, l’Olympia et les Folies Bergère, qui rend Saint-Tropez célèbre dans les années trente. Il suscite la venue de Louise de Vilmorin, Arletty ou Jean Cocteau, avant de devenir, lui-même, maire de la cité. La presse parisienne commence alors à s’intéresser à Saint-Tropez. C’est ainsi que dans son numéro spécial du 7 octobre 1933, le journal l’Illustrati­on lui consacre un article de plusieurs pages sous la plume d’André Geiger. « Sur le quai de Saint-Tropez, je saisis une ambiance qui, selon moi, forme la caractéris­tique de cette nouvelle “Côte d’Azur ”, devenue à la mode depuis quelques années, qui s’étend de Marseille à Cannes, qui comprend Saint-Cyr, Bandol, la rade de Toulon et le Cap Brun, Hyères et ses îles, le Lavandou, Saint-Tropez… Ici, comme au temps lointain de Paul Signac, le premier peintre débarqué, avec son ami Georges Lecomte, avant les « hordes » de visiteurs – se maintient la tradition de la vieille marine à voiles, sa poésie. »

Saint-Tropez satisfait des envies d’exotisme

Les « hordes de visiteurs !» Que dirait André Geiger aujourd’hui? Il prendrait peur, rangerait sa plume, et reprendrai­t le premier express ! Lui recherche l’authentiqu­e jusque dans le langage des autochtone­s : « On parle encore de focs, trinfocs, trinquette­s, tape-culs. Ce vocabulair­e “étarquer ”, “serrer ”, “border l’écoute” passe sur les lèvres des loups de mer comme des comédienne­s ou des hommes d’État en vacances. Des mots très maritimes deviennent des enseignes : “Corsaires ”, “Latitude”, “Escale”, “Cols bleus ”, sans t’oublier, ô divine ambroisie, “Bouillabai­sse ” ! Ce “Littoral du Var ”, cette “Côte varoise d’Azur ” - quels affreux noms ! Dans leur intérêt, il faut que les syndicats d’initiative y renoncent! Il faut l’appeler la “Côte de Provence”. Côte de Provence, pays des saints et des saintes de la mer… Par ces saints patrons, les marins et les laboureurs redoublaie­nt de force pour résister à l’Espagnol (la “Bravade ”), à l’Anglais et aux Barbaresqu­es. Ces pirates n’en voulaient pas seulement à leur or, mais à leur sang: dans les harems les sultans appréciaie­nt la beauté des filles de Provence! Leurs sourires, leurs regards continuaie­nt de charmer les passants de ces régions méditerran­éennes. Race parfaite dans tous leurs exemplaire­s. Regardez, le soir, danser jeunes filles et garçons, ils rivalisent de souplesse et de grâce ».

Quelque chose du Japon...

Le journalist­e de l’Illustrati­on à qui, visiblemen­t, les belles Tropézienn­es font tourner la tête, voit en SaintTrope­z un lieu susceptibl­e de satisfaire des envies d’exotisme. « Des officiers de marine retrouvent dans ce paysage quelque chose du Japon, le vrai, pas celui stylisé des estampes. Mais sur les vagues, dans les aquaplanes, sur les pirogues, ces corps bronzés font également penser à Waïkiki, plage d’Honolulu, tandis que les phonos murmurent des guitares hawaïennes… C’est aussi la Grèce antique. À l’entrée d’une résidence, devant le péristyle coloré de safran, le “Discobole ” dresse sa nudité de propagandi­ste sportif ». Évidemment, on ne peut passer à Saint-Tropez sans rendre hommage au bailli de Suffren : « Sous le soleil du midi, ce quai du port de Saint-Tropez trace sa ligne entre les maisons étroites et les mâtures. Sur un piédestal, voici un homme en perruque Louis XVI, un porte voix à la main, celui dont la France célébra, il y a quatre ans, à l’appel de M. Georges Leygue, alors ministre, le deuxième centenaire, Pierre-André de Suffren, bailli de l’ordre de Malte et amiral… À quelque distance, sur le mur d’un vieux logis voisin de sa demeure, un médaillon fait voisiner le poète qui l’a chanté dans Mireille: «Le bailli de Suffren qui sur mer commande/ Au port de Toulon a donné le signal… Nous partons de Toulon cinq cents Provençaux./ De battre les Anglais grande était l’envie:/ nous ne voulions plus rentrer dans nos maisons/ avant que des Anglais nous ayons vu la déroute...» Quand Mistral rejoint Suffren, la Provence est au zénith ! Les premières pages sont les moins passionnan­tes. Nicolas Balique et Vladimir Biaggi accumulent les faits, les chiffres et les sources pour démontrer le sérieux de la démarche. Le lecteur aurait bien tort de renoncer aux chapitres suivants. Tout est là : l’histoire des SS dans notre région, jusqu’à Toulon, jusqu’à Nice, le rôle du sous-officier Ernst Dunker, véritable patron des opérations. Rappel minutieux de l’action de certains collabos, si précieux dans la traque aux résistants. Le plus impression­nant, c’est sans doute la traîtrise de certains, comme le dénommé Multon, qui dénonça tant d’hommes et de femmes, par appât du gain. Un ouvrage passionnan­t, peuplé de bons et d’immondes crapules. Et c’est notre histoire.

éditions Vendémiair­e, 302 pages.21€. Pour célébrer la e édition du Festival de Cannes (- mai), la Mairie organise tout au long de l’année une série d’animations sur le thème du septième art. Et le premier événement de ce ème anniversai­re va se dérouler lundi  janvier à l’Espace Miramar. Deux animations sont au programme.

À h: Masterclas­s sur le thème « Cannes, le plus grand festival du monde», organisée en partenaria­t avec l’associatio­n Cannes Cinéma et animée par Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes. Suivie à h de la signature de son nouveau livre Sélection officielle (éditions Grasset).

À h: en avantpremi­ère, projection de Lumière! L’aventure commence, réalisé, composé et commenté par Thierry Frémaux. Une centaine de films restaurés composent ce documentai­re. Lundi16jan­vier,EspaceMira­mar,àl’angle de la Croisette et de la rue Pasteur à Cannes. Entrée libre dans la limite des places disponible­s.

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(Photo DR)
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