«Être ringard, c’est mon ADN»
La remarque a fait sourire Michel Estades, acquiesçant au murmure du député Robert Badinter, un ami: « On perd le sens de l’art »... Le galeriste est un nostalgique indéfectible. L’oeuvre de Baboulène, c’est une partie de sa vie qui brille sous ses yeux. Une vie... d’artiste. « Je l’ai connu il y a trente ans, et la galerie en a vingtsix (en 1990, Ndlr)... »
« Je ne suis pas à la mode »
Épicurien inné, le marchand d’art a tracé peu à peu son propre sillon éclectique. L’homme d’affaires, qui dirige aujourd’hui trois galeries (Toulon, Lyon et Paris) et onze salariés, revendique l’exception culturelle. « Je ne suis pas à la mode, j’ai l’impression d’être hors du temps, avec ma grille de lecture qualitative à tout prix. Vous ne trouverez pas des crocodiles en plastique rouge, de tableaux avec Mickey, Donald, New York, ce prêt-à-consommer artistique... Pour moi, c’est tout pareil, du déjà vu. Mon fil conducteur, c’est la sincérité. Peu de galeries ont ce parcours iconoclaste, mais moi je m’y sens à l’aise. Être ringard, c’est mon ADN ! » L’anomalie colle à la peau. L’esthète respire l’art et en parle comme personne. Il est intarissable. «Entre l’artiste et le marchand, c’est une alchimie, explique l’ancien étudiant à La Garde, devant la machine à café. Quand je défends une oeuvre, je le fais profondément, sincèrement, avec foi. Cela se transmet auprès des amateurs, vous arrivez à faire aimer. » Lui fait preuve d’une rare finesse, maîtrise les silences qui font apprécier les coups de pinceaux. «Ma passion est venue très jeune, vers mes 12-13 ans. J’ai avancé avec humilité, mes parents avaient peu de moyens, mais on chinait, on prenait des petites toiles. Moi le monde des enfants m’agaçait, j’avais hâte de grandir. J’étais fourré à la salle des ventes et à l’âge de16 ans de demi, le commissaire priseur de Toulon m’a embauché. J’y ai passé trois étés. »
Une passion dévorante
Lorsque le jeune diplômé pousse la grande porte, le destin lui tend les bras. « Quand vous avez 20 ans, vous ne manquez pas de toupet. Tous ces artistes étaient accessibles. Et ils avaient horreur des négociants, du coup ils se faisaient avoir. Ils m’ont pris en affection, grâce à mon enthousiasme. Lors de ma première visite chez le peintre Pierre Deval, j’ai vu des bijoux qui “dormaient” par terre. Il faut dire qu’ils n’étaient pas aidés... » Son oeil critique se souvient encore des ateliers Baboulène «au cours Lafayette, puis place Paul-Comte, sur la République et enfin au Port-Marchand. » Et il imite encore le maître songeur, presque sur commande. La passion le dévore. « J’ai acheté toutes ses lithographies originales, signées, tirées chez un spécialiste de La Rochelle. Nous reprenons aussi les oeuvres de l’école toulonnaise. Mon grand plaisir est de retrouver des toiles qu’on ne voit nulle part ailleurs. C’est toujours une grande émotion de retrouver des choses enfouies, que je n’avais vues que sur des bouquins. »