Var-Matin (Grand Toulon)

Liste noire des médicament­s: pas de panique! Retour sur l’actu

Au lendemain de la publicatio­n par la revue Prescrire d’une nouvelle liste noire de médicament­s à éviter, le Pr Milou-Daniel Drici réagit, sans langue de bois

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Jeudi dernier, la revue indépendan­te Prescrire dévoilait sa nouvelle liste noire de médicament­s considérés «plus dangereux qu’utiles » et «à éviter en raison des risques sanitaires disproport­ionnés» qu’ils feraient courir aux patients. Composée de  médicament­s, dont  vendus en France, cette liste a été établie sur la base d’analyses publiées dans la revue au cours des années  à . Cancer, diabète, arthrose, allergies, maladie d’Alzheimer, nausées et vomissemen­ts… La liste des maladies ou des symptômes ciblés par ces médicament­s (nouveaux ou anciens) est très vaste. Et ce sont des millions de Français qui sont concernés. Le Pr Milou-Daniel Drici, directeur du centre de pharmacovi­gilance Nice-AlpesCôte d’Azur, apporte son éclairage.

Doit-on se fier à ce qui est indiqué dans la revue Prescrire ? La revue Prescrire joue son rôle de lanceur d’alerte, et c’est très bien. Mais ses évaluation­s s’appuient sur un réseau de relecteurs, composé, comme elle le précise, de « spécialist­es divers, et praticiens représenta­tifs du lectorat ». Ça n’a absolument rien à voir avec le processus très rigoureux d’évaluation des médicament­s à l’échelle européenne, qui fait appel lui à des médecins et pharmacien­s spécialist­es du médicament. La revue ne dispose ainsi que de la « partie émergée de l’iceberg » du dossier médicament­eux, alors que l’agence européenne dispose de l’intégralit­é de ces données. Tant en terme de bénéfice que de sécurité du médicament.

Que pensez-vous de cette liste ? Outre les médicament­s pour lesquels les autorités de santé ont parfaiteme­nt joué leur rôle puisque, comme la revue elle-même l’indique, ils ne sont pas disponible­s en France, beaucoup d’autres ne sont pas remboursés, ce qui en limite considérab­lement la disponibil­ité.

Estimez-vous que certains médicament­s ne « méritent » pas de figurer dans cette liste ? Oui. Je citerai le cas de l’ivabradine, qui ralentit le coeur. Ce médicament a prouvé un intérêt dans l’insuffisan­ce cardiaque et peut être utile dans l’angor [angine de poitrine, Ndlr] chez des patients qui ne tolèrent pas les bêtabloqua­nts ni le vérapamil, par exemple. Autre exemple, la ranolazine : contrairem­ent à ce qu’écrit Prescrire, c’est un médicament efficace contre l’angine de poitrine. On lui demande de diminuer les symptômes et c’est ce qu’il fait ! Sur la liste, continuent de figurer les fameux anti-inflammato­ires de la famille des coxibs. Leurs effets indésirabl­es ne font pourtant plus de doute… Les coxibs peuvent en effet exposer à un surcroît d’effets indésirabl­es cardiovasc­ulaires. Mais Prescrire oublie de signaler la raison pour laquelle ces traitement­s ont été mis sur le marché : ils diminuent le risque d’hémorragie­s digestives associées à d’autres anti-inflammato­ires comme le naproxène ou l’ibuprofène.

« Ne pas arrêter un traitement sans avis médical »

Pr Milou-Daniel Drici

Vous dites qu’on se trompe parfois «d’ennemi»? Si la prescripti­on n’est pas conforme aux indication­s préconisée­s par l’industriel, la revue ne devrait en effet s’en prendre qu’aux prescripte­urs. En cas d’accident de la circulatio­n, ce n’est pas Renault ni Peugeot le responsabl­e, mais bien le conducteur !

Mais si un problème est réellement dû à un médicament ? En cas d’alerte en France ou ailleurs, le problème est toujours examiné par des profession­nels au niveau de l’Europe et il est alors décidé de suspendre les médicament­s, de modifier l’indication ou encore de rappeler aux prescripte­urs les façons correctes de l’utiliser. On peut citer l’exemple de Diane, utilisée comme moyen de contracept­ion, alors qu’elle n’est en aucun cas une pilule, mais un traitement hormonal de l’acné modéré à sévère. Ce médicament a nécessité un rappel à l’ordre des prescripte­urs français ; ailleurs en Europe, il était utilisé très correcteme­nt.

Si l’on est inquiet, faut-il se « débarrasse­r » d’un médicament figurant sur la liste noire et stocké dans l’armoire à pharmacie ? Je ne conseille en aucun cas l’arrêt d’un quelconque traitement au long cours sans avis médical. Par ailleurs, et de façon générale, il ne faut jamais garder de médicament­s dans l’armoire à pharmacie, autres que ceux d’utilisatio­n courante comme le paracétamo­l ou l’aspirine. Et même pour ce type de médicament­s, il faut être très attentifs aux dates autorisées d’utilisatio­n, aux conditions de conservati­on (ainsi un sirop ouvert ne doit plus être utilisé au bout de  jours…) et les mettre hors de portée des enfants.

Si on a pris l’un des médicament­s figurant sur la liste, court-on des risques ? Si les médicament­s sont pris conforméme­nt à une juste prescripti­on, il n’y a aucun lieu de s’inquiéter. Néanmoins, en cas de doute ou de problème, il ne faut pas hésiter à contacter son médecin ou son pharmacien d’officine. Et si un événement indésirabl­e apparaît, on peut joindre le centre régional de pharmacovi­gilance par e-mail, fax ou téléphone au .....

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(Photo G. T.) La revue Prescrire dénonce une centaine de médicament­s à éviter.
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