Var-Matin (Grand Toulon)

«On est le dernier maillon de la chaîne de la justice»

-

Laura et Frédéric ont deux profils différents. L’une, jeune (30 ans) et frêle, a des allures d’étudiante, quand l’autre est solidement bâti et transpire l’expérience, du haut de ses 48 ans. Ce qui les rapproche, ce sont les notions d’autorité, de respect et de citoyennet­é propres à la profession. « Je suis restée cinq ans dans la gendarmeri­e, puis j’ai passé plusieurs concours et c’est le premier que j’ai réussi », raconte Laura. L’histoire est peu ou prou la même pour Frédéric, qui est rentré dans l’administra­tion pénitentia­ire en 1993. S’ils ne contestent pas que ce métier n’était pas leur vocation première, ils en sont fiers et le revendique­nt. « C’est un engagement citoyen. On est le dernier maillon de la chaîne de la justice », confie la native de Seine-et-Marne.

« On n’est pas dans les films américains »

Surveillan­ts de longue date, ils s’appliquent à faire observer la loi là où tous l’ont déjà transgress­ée. « On fait respecter l’État de droit », répète à l’envi Frédéric, qui est désormais formateur à La Farlède. « La prison, ce ne sont pas les films américains. Quand on endosse le costume, on ne joue pas un rôle. Ce sont des humains face à des humains, tient à clarifier le Dracénois. On laisse nos jugements de côté, d’autant qu’on ne connaît pas la raison de l’enfermemen­t des détenus. » Bien sûr, certains de leurs collègues disjoncten­t. Bien sûr, beaucoup sont durs, et parfois même, détestable­s. « Comme dans toutes les entreprise­s. La prison, c’est le reflet de la société. Une société violente », coupe le directeur adjoint du centre, Christian Jean.

« Être une femme ? C’est un plus »

Passé lui aussi par le métier de surveillan­t, il comprend que certains collègues puissent « disjoncter. » « Mais ces gens-là ne sont pas à leur place. Il existe un établissem­ent pour chaque surveillan­t. » Frédéric, lui, a trouvé sa place à Toulon, puisqu’il ne l’a jamais quittée. Quant à Laura, elle s’y est carrément installée et a quitté la région parisienne pour travailler dans cet univers (très) masculin. Il n’y a pas de prisonnièr­es à La Farlède. « C’est un plus. Avec moi, il n’y a jamais de rapport de force. J’ai tendance à dire qu’une femme qui parle à un homme, c’est apaisant. » Le métier n’en est pas moins harassant pour elle. « C’est répétitif. Je pense que c’est l’aspect le moins attrayant du job. Mais c’est un boulot foncièreme­nt humain. Rien que pour ça, si je devais recommence­r, je le ferais. »

« Je les vois plus que ma famille »

À passer sept heures par jour auprès des mêmes, on apprend à lire à travers eux. « Je les vois plus souvent que ma famille ! » Cette proximité, si elle se perd à cause de l’automatisa­tion des bâtiments, au grand regret des détenus, peut parfois sauver des vies. « Une personne que je savais moralement touchée a essayé de se suicider il y a quelques semaines. Quand j’ai vu le numéro de cellule, j’ai tout de suite compris que c’était elle… » Son interventi­on immédiate lui a permis de lui sauver la vie. « Il était déterminé, mais aujourd’hui, il me remercie. De mon côté, j’étais sonnée, mais le soutien des collègues m’aide à tourner la page. » En prison plus qu’ailleurs, le collectif et la communicat­ion sont primordiau­x. « Mon travail, c’est d’aller vers l’intérêt général avant tout. Ensuite, on s’emploie, avec le directeur, à la cohésion des équipes et leur bienêtre. C’est plus important que dans le privé. Ne serait-ce que parce qu’il faut protéger les gens avec qui on bosse », affirme Christian Jean. « Je me sens comprise et entendue par mon administra­tion », confirme Laura. « Ça ne fait pas du métier un métier facile. Surveillan­t pénitentia­ire, c’est une dure profession », conclut Frédéric.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France