Le Brexit est lancé
Le Royaume-Uni a officiellement enclenché, hier la procédure historique de sortie de l’Union européenne, neuf mois après un référendum qui a divisé le pays
Le Royaume-Uni s’est embarqué, hier, pour un voyage historique et « sans retour » hors de l’Union européenne, ouvrant deux ans de négociations qui ont déjà donné lieu aux premiers désaccords ouverts. Neuf mois après un référendum sur le Brexit qui continue à diviser le pays, l’ambassadeur britannique auprès de l’UE Tim Barrow a remis au président du Conseil européen Donald Tusk la lettre déclenchant formellement la procédure de sortie. « Il n’y a aucune raison de faire comme si c’était une journée heureuse, ni à Bruxelles ni à Londres », a lancé un Donald Tusk visiblement éprouvé en brandissant la lettre devant la presse. Au même moment à Londres, la Première ministre Theresa May annonçait au Parlement de Westminster qu’il n’y aurait « pas de retour en arrière ». Elle a appelé le peuple britannique, Ecossais en tête, à se «rassembler» pour obtenir « le meilleur accord possible » pour le RoyaumeUni, premier pays à rompre les amarres avec l’Union, après quarante-quatre ans de mariage contrarié. Pendant ce temps, Nigel Farage, ancien leader du parti europhobe Ukip et grand architecte du Brexit, pavoisait devant une bière : « On est les premiers à sortir. C’est historique. L’Union européenne ne s’en remettra pas. » A Sunderland, cité industrielle du nord-est qui a voté massivement en faveur du Brexit au référendum du 23 juin, Colin Haworth, lui aussi attablé dans un pub, qualifiait de «traîtres» les partisans du maintien dans l’UE, qui devraient, selon lui, «déguerpir en Europe ». « On a gagné... et on est sorti. C’est aussi simple que ça », a-t-il dit
Douloureux pour les Britanniques
Le déclenchement du Brexit ouvre une période de deux ans de négociations, un délai ambitieux tant les discussions s’annoncent complexes et acrimonieuses. La chancelière allemande Angela Merkel a tout de suite donné le ton en rejetant la demande de Mme May de mener de front les négociations de sortie et celles pour définir les futures relations, notamment commerciales, rappelant ainsi la position de Bruxelles. « Il va falloir d’abord clarifier comment délier les étroites imbrications » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, a dit la chancelière à Berlin, « et seulement une fois cette question clarifiée nous pourrons ensuite [...] si possible assez vite, parler de notre relation future ». « Ce sera douloureux pour les Britanniques », a relevé le président français François Hollande, estimant que l’Europe sera « sans doute » amenée à avancer à « des vitesses différentes » désormais. L’Union européenne « agira de manière unie et préservera ses intérêts » dans les négociations, a assuré le Conseil européen qui soumettra ses « orientations » aux dirigeants des 27 pays européens lors d’un sommet le 29 avril à Bruxelles. « Le chantier est si vaste que deux ans seront bien insuffisants » pour boucler les négociations, estime Catherine Barnard, professeur de droit européen à l’université de Cambridge, soulignant « qu’à chaque pierre soulevée, d’autres apparaissent ». Devant les députés, Mme May a assuré vouloir faire du sort des trois millions d’Européens vivant au Royaume-Uni une « priorité ». « Un accord ne devrait pas être trop difficile sur ce dossier. Je pense qu’il y a la volonté des deux côtés », dit Iain Begg, chercheur à la London School of Economics. Le point de tension, d’emblée, sera autour des questions d’argent, souligne-t-il, avec la facture que Bruxelles compte présenter à Londres au titre de ses engagements antérieurs.