La présidentielle au coeur du défilé
Six cents personnes ont défilé sans enthousiasme sur le boulevard de Strasbourg hier, parcourant une boucle au départ de la place de la Liberté. L’élection présidentielle était sur toutes les lèvres
Ambiance glaciale hier en fin de matinée, place de la Liberté. Sous le soleil mais refroidis par le vent, quelque six cents manifestants ont battu le pavé du boulevard de Strasbourg à l’occasion d’un traditionnel défilé du 1er mai aux fausses allures de marche blanche. Sans surprise, l’entre-deux tours de la présidentielle et son « dilemme tragique » ont mobilisé l’esprit de Jimmy Coste, candidat PS dans la 7e circonscription, et ceux de ses voisins de circonstance. Entre rejet du Front national et du libéralisme de Macron, le barrage a sacrément tangué. Et chacun avait son petit mot à dire face à l’incertitude du proche avenir. Non loin de là, derrière les drapeaux bariolés, les porte-voix « du combat de la revendication de la paix entre les peuples » ont d’ailleurs eu du mal à se faire entendre.
« Je n’attends rien »
« C’est bizarre, on cerne davantage le bruit des camions que celui des revendications», pousse Claire, une participante engagée. « On a essentiellement parlé du vote, c’est la question centrale », admet Amélie. « Travailleur, électeur, cela va de pair. » Au départ, le rassemblement « face à l’austérité économique, la haine et au repli sur soi » était organisé à l’appel de l’intersyndicale CGT, Solidaires et FSU. Mais les mouvements politiques de gauche – la France Insoumise, les Jeunes socialistes et même quelques représentants de cercles anarchistes – ont rejoint la protestation bien avant les premières foulées. Histoire de prêcher la bonne parole. « Je suis jeune, je suis là, s’affole Paul, un “Insoumis” qui a voté pour la première fois. Ça bouge, une nouvelle gauche s’est créée. Ce n’est pas un meeting (hier) mais on se reconnaît à travers les sensiblités. L’union des luttes, les Insoumis n’attendent que ça… » « Beaucoup sont déçus, démobilisés, pensent que Le Pen ne passera pas, or c’est dans ces moments-là qu’il faut être encore plus fort », analyse le candidat insoumis de la 2e circonscription, Michel Lagreca. À défaut de savoir où il allait, le cortège clairsemé a ainsi devisé entre ombre et lumière, sans se bercer d’illusion. « Je n’attends rien ni de Macron, ni de Le Pen », poursuit Paul. « Ce n’est que la première manifestation d’une longue série, relève Sophie. On attend surtout les législatives. » Derrière ses lunettes fumées d’aviatrice, Sonia, pour qui « les jeux de la présidentielle sont faits », embrasse le parcours tout en contemplant sa nostalgie. Il y a quinze ans, au second tour Chirac-Le Pen, la place de la «Lib»« était blindée ».« Le FN au pouvoir, c’était impensable à l’époque. Le contexte local (le parti était aux affaires municipales de 1995 à 2001, Ndlr) avait aussi renforcé le mouvement. Là, il n’y a personne (sic). Voir où on est aujourd’hui, c’est malheureux. On va devoir lutter, encore et encore… » « Macron, Le Pen, ce n’est pas comparable, réfute Amélie. Avec Macron, il y a un dialogue possible. Le FN, c’est autre chose. Mais on ne le dit pas assez en ce moment, ce n’est pas ce qu’on entend dans les médias… »