Var-Matin (Grand Toulon)

Andrea Raggi : « On estencore plus fort ! »

En 2012, le défenseur italien signait à Monaco alors en Ligue 2. Acteur et témoin privilégié de l’épanouisse­ment du club, le “Pirate”, 32 ans, retrouvera la Juve demain en Ligue des champions

- FABIEN PIGALLE ET MATHIEU FAURE Photos : J-F Ottonello

Sur un terrain, Andrea Raggi râle, ne lâche rien, s’accroche, tacle et dégage les ballons chauds. Joue dans l’axe, à droite, à gauche, s’assoit sur le banc et va au charbon dès que Leonardo Jardim a besoin de lui. « C’est un soldat », résume le coach portugais. Raggi, c’est aussi et surtout une figure du club. Une gueule. Un crâne rasé et un sourire blanc. Franc. Il était là en Ligue , a connu Claudio Ranieri, un quart de finale de Ligue des champions et maintenant, une demie. Et toujours, la Juventus sur sa route. La “Youvé” comme il dit. Il n’hésiterait pas une seconde à se fâcher avec toute sa famille qui supporte la Vieille dame pour offrir la qualif à Monaco. Parce que depuis longtemps, le natif de La Spezia est le plus Monégasque des Italiens. Ce fils de maçon a le sens du sacrifice. Et plus que jamais, le coeur rouge et blanc. Vous retrouvez la Juve en demi-finale de Ligue des Champions demain... C’est bien ! C’est la revanche ! On se souvient quand ils nous ont sortis en quart il y a deux saisons. Mais cette année, nous sommes très costauds. Je pense que la Juve devra faire attention.

Que reste-t-il de cette double confrontat­ion ? Du bon et du moins bon. Si je me rappelle bien, on s’est fait éliminer sur un penalty à Turin qui n’existait pas. Ensuite à la maison, nous avions fait match nul. Ça nous a fait mal parce qu’on méritait quelque chose de plus. On a la possibilit­é de leur rendre la pareille cette fois. Pour une première en quart de finale, se faire sortir comme ça… c’était douloureux. Avec Carrasco, Martial, Kondogbia, Abdennour, Berbatov… on avait une bonne équipe. Mais cette année, on est encore plus fort.

Êtes-vous d’accord pour dire que c’est le tirage le plus compliqué ? Si on se penche sur les statistiqu­es, clairement, oui. La Juventus n’a pris que deux buts en Ligue des champions. Ça veut dire qu’ils sont très très solides. Comme je l’ai déjà dit, la vraie force de la Juve, c’est sa défense. (Il sourit) Mais nous, on a les petits diables devant : Kylian (Mbappé) ! Bernardo, Thom’ (Lemar), Radamel (Falcao)... on peut leur faire très mal !

En tant qu’Italien, que représente la Juventus pour vous ? Dans ma famille, ils sont tous pour la Juventus ! Il n’y a que mon grand-père qui est pour l’Inter Milan. C’est le destin… On les affronte pour la deuxième fois, ça représente forcément quelque chose pour moi. Quand on a joué là-bas au Juventus Stadium, le coach m’avait donné le brassard de capitaine. C’était spécial. En quoi l’issue du match pourrait être différente ? Déjà parce que la présence de Monaco cette année, aussi loin dans la compétitio­n, n’est pas une surprise ! On fait un championna­t énorme, on est premier... En Ligue des champions, on a battu de grosses équipes comme Manchester City, Tottenham, Dortmund. On mérite d’être là.

Vous allez recevoir cette fois en premier à l’aller... Ça changera forcément la donne. Si on veut espérer faire quelque chose de grand, le plus important, c’est ce premier match à Monaco ! On doit les mettre en difficulté pour pouvoir aller là-bas à Turin un peu plus tranquille. Si on gagne bien comme il faut : - ou -... Bon, après je te dis, ça mais on ne sait jamais trop dans le foot. Mais disons que nous irions en Italie en costaud. Un match nul ou autre, ce serait plus dur en suite...

Gagner à Turin, c’est mission impossible ? Disons qu’au Juventus Stadium, il fait toujours très très chaud ! En plus, tu sais comment sont les Italiens, un peu malins, un peu méchants… C’est difficile. C’est pour ça que chez nous, il faut qu’on soit à  %.

Dans ma famille, ils sont tous pour la Juve... ”

Que pensez-vous de la saison de Monaco ? C’est énorme ! Notre objectif, c’est de gagner le championna­t. On a tout fait pour en être là. Le titre est entre nos mains. Pas dans celles de Paris. Il nous suffit de gagner nos matches pour être champion.

A quel moment avez-vous senti que c’était possible ? Dès le début ? Non, bien sûr. Mais à force d’enchaîner les victoires, c’est devenu une évidence. On ne s’arrêtait plus de gagner, on ne voulait que ça ! En plus, il faut avouer que cette année, tout le monde a explosé : Bernardo, Thomas (Lemar), Fabinho, Bakayoko, Kylian… C’est une année très spéciale. Honnêtemen­t, c’est très rare de voir ça dans une même équipe. On a  ou  joueurs de - ans qui ont poussé comme des champignon­s. J’ai jamais connu ça.

Y a-t-il eu un déclic précis dans la saison ? Franchemen­t, non. Tout s’est fait match après match. On a pris conscience de notre force.

Il ya  ans, vous étiez en L... et là vous jouez le titre en L et une demi-finale de Ligue des champions. Comment l’expliquez-vous ? On a beaucoup travaillé. Le club a super bien bossé. Le coach aussi. Les anciens comme Subasic, Dirar, Valère, ou moi, on a bien travaillé avec les petits. Une équipe pour être forte, il faut un mix entre les anciens et les jeunes. Et c’est le cas cette année.

Le coach justement, quel est son apport ?

Il a été énorme. Je me souviens quand il est arrivé, honnêtemen­t, je ne le connaissai­s pas. Il a travaillé tranquille­ment, il a été critiqué au début, mais aujourd’hui, ce travail-là paye ! Il a fait progresser les petits jeunes et a donné beaucoup de confiance à tout le monde. Almamy, Kylian, Thomas Lemar, Bakayoko etc. Ces joueurslà ont saisi leurs chances. Le coach n’a pas peur de faire confiance aux jeunes. Et s’ils font les choses bien, ils continuent.

Justement, la demi-finale de Coupe de France que vous avez disputée contre le PSG avec beaucoup de jeunes joueurs de CFA a fait parler ? Il faut que les gens comprennen­t que cette année, on a fait plus de  matches. On joue tous les trois jours, ce n’est pas simple ! Imagine si contre Paris, le coach avait mis l’équipe-type et si on avait eu un blessé ? Moi, je suis payé pour jouer. La décision a été prise par le coach et le club, et franchemen­t j’étais d’accord avec ça. L’objectif c’est le championna­t, donc c’était logique de reposer tout le monde pour les rendezvous plus importants. Jardim vous considère comme son “soldat”, capable d’évoluer à plusieurs postes. Expliquez-nous votre rôle... J’ai joué dans l’axe en tours préliminai­res contre Fenerbahçe contre Villarreal, à City… Après, j’ai été à gauche ou à droite… Etre capable d’évoluer à plusieurs postes, c’est une force. Mon objectif est de continuer ici pour aider l’équipe dans ce rôle-là. Je pense que j’ai encore beaucoup de choses à donner. Je ne me sens pas vieux ! Je veux rester ici encore quelques années…

Vous acceptez de moins jouer ? Je suis là pour aider. Mais tu sais, je suis tranquille avec ce rôle-là. Je viens d’une famille de maçons. Mon père travaille dans le bâtiment, mon frère aussi… Je connais la réalité de la vie. Je sais m’accrocher. Quand le coach m’a appelé contre City ou Dortmund, j’ai répondu présent. Je trouve que j’ai même fait un très bon match. Quand je fais des conneries, j’assume, pas de problème. Mais quand je fais les choses bien, j’ai le droit d’être content.

Que pensez-vous de votre saison ? Je suis très content de ma saison, même si je n’ai pas beaucoup joué en L. J’ai disputé toutes les grosses rencontres de Ligue des champions. Je ne prétends pas jouer  ou  matches par saison. Le plus important pour un joueur, c’est de répondre présent quand le coach t’appelle. Imagine si j’avais été catastroph­ique à City ? On aurait dit « Raggi n’est plus bon », « Raggi est vieux »… C’est le foot. Quand on rentre sur le terrain, il faut montrer que t’es prêt.

Dans ces conditions, le mental est très important. Une force chez vous ? C’est mon caractère. Je ne lâche rien, même si en face, le mec va plus vite que moi… Je donne tout. Jusqu’à ce que je me pète l’ischio, je reste sur la pelouse (rires). En plus, quand tu ne joues pas à ton poste, il faut absolument rester solide dans sa tête. Avez-vous déjà douté ? Je vais te dire la vérité, quand j’ai joué à gauche à Dortmund, je n’étais pas tranquille. Jouer à gauche, ça change énormément de choses dans le placement etc. Les gens ne se rendent pas compte. Quand en plus en face, tu sais que tu vas avoir Dembélé, Pulisic, Aubameyang. Avant le match, je m’étais préparé au pire. Je n’avais pas peur, mais disons qu’intérieure­ment je me disais : “pourvu que ça se passe bien”.

Qu’est-ce qui est le plus compliqué à gérer ? Tu sais, mon dixième match de L, je ne l’ai disputé que là, à Lyon (e journée). Donc quand on joue peu comme ça, il faut être au top en dehors du terrain. Sur l’hygiène de vie etc. Puis vite trouver tes automatism­es. Quand tu joues dans l’axe, ça va. Mais quand faut jouer à gauche... forcément je ne pousse pas comme Mendy.

Je veux rester ici encore quelques années ” Avant le match, je m’étais préparé au pire ”

Pourtant à Dortmund, vous faites une passe décisive du pied gauche pour le CSC de Bender ! Ça compte ! (il rigole) T’es pas obligé de faire   centres mauvais... un seul bon suffit (rires). Pour tout te dire, j’ai hésité ! Je voulais rentrer sur le pied droit et centrer… et puis je n’étais pas attaqué. Dans ma tête je me suis dit : “E va fen Andrea, pourquoi pas ! Centre du gauche et puis tu verras bien !” Et voilà. Mieux, tu ne peux pas ! Je peux le tenter  fois celui-là, impossible de le refaire !

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 ?? (Photos J-F. Ottonello) ?? Avant l’entraîneme­nt, Andrea Raggi a répondu à nos questions à La Turbie.
(Photos J-F. Ottonello) Avant l’entraîneme­nt, Andrea Raggi a répondu à nos questions à La Turbie.
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