Bernard Astruc, missionnaire de l’agriculture biologique
Depuis près d’un demi-siècle, ce Lorguais d’adoption mène plusieurs combats de front contre l’agrochimie. Il milite pour des Assises citoyennes de l’environnement
En authentique autodidacte, il a touché à tout : photographe de théâtre, constructeur, boulanger, viticulteur… Mais sa crinière blanche est surtout connue de tout ce que le département compte de partisans du « bio ». Bernard Astruc a découvert le Var en 1967, à Lorgues plus précisément, où il vit toujours. Sa rencontre avec Jean Pain, berger et forestier à Villecroze, qui invente la méthode de fertilisation des sols à partir de matière ligno-cellulosique (le compost de broussailles), est déterminante. Elle l’a conduit à s’engager pour défendre l’agrobio-écologie, dont il rappelle qu’elle « fait désormais consensus, y compris à l’INRA ». Avec détermination : « Depuis 1970, je m’y implique corps et âme. » « Il n’y a que deux modes de production, martèle ce pédagogue. L’agriculture biologique qui consiste à nourrir le sol naturellement avec de la matière organique, et l’agrochimie qui consiste à nourrir directement la plante avec des intrants chimiques. La première est la seule à respecter la biodiversité, les biotopes. L’agrochimie détruit les équilibres naturels, empoisonne l’humanité, à petit feu mais de manière totale. Son bilan est catastrophique, qu’il s’agisse de la pollution de l’air, de l’eau, des sols, ou de la santé des êtres humains et des animaux ». Les OGM sont dans son collimateur : « La France est incohérente. Elle en interdit la culture mais en importe quatre millions de tonnes par an », essentiellement pour nourrir les animaux d’élevage. D’où la pétition, lancée par le rassemblement citoyen Consommateurs pas cobayes, dont il est co-initiateur, pour exiger l’OGM transparence (1). Et demande, en substitution du soja transgénique, un plan protéines végétales. «Le ministère de l’Agriculture s’est engagé à le lancer en 2009. Mais il ne s’est rien passé », déplore-t-il. Bernard Astruc est également préoccupé par la sauvegarde des terres agricoles, problème récurrent dans le département. « Leur reconquête et leur mise en culture sont essentielles. C’est une priorité d’intérêt public ». Il s’implique dans le collectif varois de défense « pour éviter des situations comme celle qu’on connaît dans la vallée du Reyran (à Fréjus, Ndlr), avec un projet de mitage pour des activités qui pourraient se faire ailleurs, alors que des agriculteurs sont candidats au rachat des terres menacées ». Bernard Astruc s’enflamme lorsqu’il évoque tous ces sujets. Plus qu’un militant, un homme passionné, habité par sa foi en la Nature : « J’étais un messager. Je suis devenu un missionnaire », assume-t-il. De conférences en journées pédagogiques, de festivals (Humaniterre) en pétitions, il poursuit son objectif « pour arrêter la souffrance, la maladie, la destruction de la planète et de l’humanité ». Il précise « c’est là où l’on voit la dimension politique. Tout est interdépendant. L’agriculture biologique doit revenir au coeur du système. Les consommateurs l’ont compris ». Et déjà, de tirer la sonnette d’alarme contre le bio business : « La grande distribution propose de la bio intensive en monoculture délocalisée, avec une main-d’oeuvre sous-payée et des conditions sociales inacceptables ». Pour lui au contraire « la bio, c’est une alternative de société, qui génère de l’emploi durable, non délocalisable et humainement enrichissant ». Convaincu que « l’écologie doit influer sur la politique et pas constituer un parti », Bernard Astruc a épluché les programmes électoraux. Dans celui d’Emmanuel Macron, il a relevé que « l’écologie sera le fil rouge de sa politique ». Mais comme il « ne signe pas de chèque en blanc pour 5 ans » ,ila fait passer des questions au Président, via Corinne Lepage, qu’il avait reçue en 2015 dans le Var. Parmi elles : l’organisation d’assises citoyennes de l’environnement tous les ans; un engagement sur un pacte bio 2017 pour une agriculture et une alimentation d’intérêt général qui ferait de la France le 1er pays bio en Europe. Et un autre sur le manifeste Oasis Réunion pour faire de l’île de La Réunion le premier département/région 100 % bio de France. Alors, en apprenant le nom du ministre de l’Écologie, il applaudit. « Nicolas Hulot, c’est ce qui pouvait nous arriver de mieux. Il est travailleur, rigoureux et exigeant. S’il a accepté, ce n’est pas pour faire de la figuration ». Bernard Astruc continue, ici et à son niveau, de porter la voix de l’écologie. Il sera présent avec l’association Bio Consom’acteurs à
(2) la sixième édition de La Bio est dans le Pré, le 3 juin à Saint-Antonin-du-Var.
J’étais un messager, je suis devenu un missionnaire” L’écologie doit influer sur la politique”