Var-Matin (Grand Toulon)

J.-Ch. Picard: « Il devrait démissionn­er… »

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

L’associatio­n anticorrup­tion Anticor avait adressé, dès mercredi, une plainte au parquet de Brest pour demander l’ouverture d’une enquête sur l’affaire immobilièr­e qui fragilise le ministre de la Cohésion des territoire­s, Richard Ferrand. Cette plainte contre X pour abus de confiance vise Richard Ferrand, mais également les membres du conseil d’administra­tion des Mutuelles de Bretagne qu’il dirigeait, ainsi que la bénéficiai­re de l’opération, la compagne de M. Ferrand. Jean-Christophe Picard, le président niçois d’Anticor, nous explique les motivation­s de sa démarche.

Pourquoi cette plainte ? Nous avions pris acte, avant le retourneme­nt d’hier [lire ci-dessus] ,du fait que le parquet de Brest n’avait pas ouvert d’enquête sur une affaire qui mérite vraiment des investigat­ions supplément­aires. Plusieurs zones d’ombre persistent en effet : pourquoi la mutuelle a-t-elle loué plutôt qu’acheté un bien qu’elle aurait amorti en dix ans ? La compagne de monsieur Ferrand a-t-elle bénéficié d’informatio­ns privilégié­es ? Pourquoi n’est-on pas passé par un commissair­e aux comptes, comme le prévoit la procédure ? Ces questions et d’autres justifient l’ouverture d’une enquête préliminai­re. C’est pourquoi nous avons décidé de déposer cette plainte pour abus de confiance contre X, qui ne vise pas seulement monsieur Ferrand mais l’ensemble des membres du conseil d’administra­tion, car chacun doit prendre ses responsabi­lités. Avec l’idée que si notre plainte était classée, nous pourrions nous porter partie civile auprès d’un juge d’instructio­n.

Est-on dans le même registre que dans l’affaire Fillon ? [Il réfléchit longuement]. Euh… Ça ressemble un peu, quand même. Il y a, dans les deux cas, quelqu’un qui profite, semble-t-il, de ses fonctions pour favoriser ses proches. Il y a certes d’un côté de l’argent public et de l’autre de l’argent privé, mais ce n’est tout de même pas très glorieux à chaque fois. C’est choquant parce que ce sont des hommes politiques de premier plan, qui ont un devoir d’exemplarit­é. S’ils ont réellement profité de leurs fonctions pour enrichir leurs proches et leur famille, il y a matière à être indigné de la même manière.

Richard Ferrand doit-il démissionn­er, bien qu’il ne soit pas mis en examen ? Oui. Nous demandons sa démission. Même si à l’issue de l’enquête sa responsabi­lité pénale n’est pas engagée, nous estimons que sa responsabi­lité politique l’est. Pour nous, la confiance qui a été placée en lui lorsqu’il a été nommé ministre n’est plus intacte. Il devrait démissionn­er de lui-même pour ne pas porter atteinte à la volonté du Président de moraliser la vie politique.

Le projet de moralisati­on de la vie politique dévoilé par François Bayrou vous convient-il ? J’ai été auditionné par M. Bayrou et j’ai eu le sentiment d’avoir été entendu sur plusieurs points : le fait qu’il y ait une loi ordinaire mais aussi une loi organique pour pouvoir adopter le maximum de mesures possibles, la suppressio­n de la Cour de justice, la suppressio­n aussi de la réserve parlementa­ire, outil de clientélis­me, l’instaurati­on du casier judiciaire vierge, l’interdicti­on des recrutemen­ts familiaux ou la certificat­ion des comptes des partis politiques par la Cour des comptes. Il manque la suppressio­n de l’inviolabil­ité dont bénéficien­t le président de la République et les parlementa­ires, et celle du verrou de Bercy, à savoir le monopole octroyé au ministre des Finances en matière de poursuites pour fraude fiscale. Quand le ministre s’appelle Cahuzac ou Woerth, qui était à l’époque trésorier du parti au pouvoir, ça pose un problème de conflit d’intérêts, qui peut déboucher sur de potentiels abus.

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(Photo C. Dodergny) Jean-Christophe Picard, président de l’associatio­n de lutte contre la corruption Anticor.

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