Var-Matin (Grand Toulon)

David Ginola, l’enfant de Gassin renaît

L’ancienne star du foot, présentate­ur à la télé, évoque sa nouvelle vie, celle d’un miraculé

- FRANÇOIS PATURLE ET MANON GAZIELLO

David Ginola est de retour au Old Course de Cannes-Mandelieu, à l’occasion de la Map’Auto Golf Cup: il y a un an, c’est l’endroit où la mort avait failli le rattraper. Sur la terrasse du Old Course, au bord d’une table, El Magnifico a accepté de revenir sur son histoire. Celle du plus exceptionn­el comeback de sa vie d’homme.

David, avez-vous des souvenirs précis de ce  mai  ? J’ai des souvenirs très précis. On avait déjeuné ici, à midi, puis on s’était dirigé vers le terrain de foot. On s’était changé, on avait échangé quelques passes... On se retrouvait tous ensemble avec un ballon. Il faisait beau, on avait lancé quelques plaisanter­ies. Tout allait bien.

Il n’y avait pas eu de signes avant-coureurs ? Aucun. En plein dans le jeu, je suis tombé d’un coup, sans prémices. Aucune douleur. Juste la perte de connaissan­ce totale. C’est cela qui est compliqué à appréhende­r. En un claquement de doigts, vous n’êtes plus là.

Vos amis, sur place, ont dit qu’ils vous ont vu vous battre de façon incroyable pour ne pas céder... Je ne peux pas l’expliquer. Il y a sans doute un inconscien­t, en moi, qui refusait l’inéluctabl­e. Lorsque je suis sorti de la clinique, à Monaco, le professeur Dreyfus m’a pris à part et m’a dit : « David, tu es un miraculé ». Je sentais bien, à sa voix, que ses propos étaient très mesurés. Pour lui, aussi, mon rétablisse­ment très rapide a représenté une forme d’interrogat­ion. Neuf fois sur dix, une personne frappée par ce syndrome (de la mort subite) n’en réchappe pas. Comment considérez-vous le Pr Dreyfus, qui vous a pris en charge sur la table d’opération ? Comme un génie, et même plus. Lui, il dit qu’il ne fait que de la tuyauterie. Disons alors qu’il est le Ronaldo des plombiers du coeur ! Son inquiétude, à mon réveil, était de savoir si mon cerveau allait fonctionne­r. Je n’avais aucune idée de ce qu’il m’était arrivé. Le docteur m’a scié le sternum, il m’a arrêté le coeur pour travailler les coronaires, il l’a fait repartir... J’ai subi  pontages. Pour le docteur Dreyfus, ce sont les gars sur le terrain qui ont fait ce qu’il fallait, avec les massages cardiaques, pour maintenir le cerveau irrigué et me sauver.

À l’arrivée des secours, la situation était plus que critique... Quand les secours sont arrivés, ils m’ont choqué avec le défibrilla­teur. Une fois, deux fois, trois fois, le pouls n’est pas reparti. Quatre fois, toujours pas, C’est reparti à la e... La secouriste, Alexia, a levé les yeux et a dit, « j’ai un pouls ». C’était le moment où tout le monde pensait que j’étais fini. La force vitale, c’est quelque chose qui est difficilem­ent quantifiab­le (...). Je pense aussi que ma maman, là-haut, a estimé que le moment n’était pas venu que je la rejoigne. Elle est partie en , à cause de problèmes cardiaques, elle aussi.

Vous êtes croyant ? Je l’étais, je le suis davantage. On ne peut pas tout expliquer. On essaye tous de maîtriser notre vie. Inconscien­t, sur le terrain, j’étais dans une situation où je ne gérais plus rien. Deux chemins se proposaien­t à moi, celui de la vie, ou l’autre. Qu’est-ce qui fait que j’ai pris une direction, alors que d’autres personnes n’ont pas eu cette chance ? Ce qui me revient sans cesse, ce sont ces questions sans réponse. Ce n’est pas si simple à porter.

Un peu plus d’un an après, comment va votre coeur ? Je n’ai pas de séquelles mais une cicatrice qui fait  cm sur le torse. Devant la glace, je ne la vois même plus. Elle fait partie de moi. J’ai oublié que sous cette cicatrice il y a eu un coeur meurtri. C’est peut-être dangereux, j’ai tendance à ne pas me ménager au travail. Les médecins n’étaient pas très chauds quand j’ai décidé de présenter  matches de l’Euro , en débutant  semaines après mon accident. Avec tout le stress que cela engendre. Le type, il revient pour Russie-Angleterre, en costume bleu, avec  kilos en moins, tranquille ! Vingt jours avant, il était mort. Cela a même dû en agacer certains, qui pensaient en avoir fini avec ma personne. Mais bon, je suis comme ça, plutôt tenace. Le risque d’une récidive ? Je pense toujours être né sous une bonne étoile.

Parlons télé, justement. Un exfootball­eur qui présente en direct « La France a un incroyable talent », c’était un pari osé... C’est bien ce qui m’a plu. Je n’avais aucun recul. Je l’ai pris comme un défi, comme si j’arrivais dans une grande équipe. Je me suis même un peu surpris ! Il y a le présentate­ur, les  membres du jury, les candidats, et  personnes qui travaillen­t derrière... Les audiences sont supérieure­s aux attentes de la chaîne. Avec M, on travaille sur le long terme. Il y a plein de projets. J’en suis ravi.

Vous voilà définitive­ment dans la peau d’un présentate­ur ? Oui. Depuis mes tout débuts, avec Canal +, pour « Le match of Ze day », j’ai adoré l’exercice. Le côté positif, aujourd’hui, c’est que ce sont les plus petits, qui ne m’ont jamais vu jouer, qui me font signer des autographe­s.

Vous refaites du sport ? Un peu. Je viens de reprendre le golf, là, ce week-end. Mais l’envie de courir, de faire des efforts, je ne la ressens pas comme avant. J’ai fait ça toute ma vie, à essayer d’être le meilleur possible. À un moment donné, stop, on va se poser.

Au Old Course, on vous a vu bavarder des heures avec vos amis, sur la terrasse... Bien sûr. J’ai revu Frédéric Mendy, Sébastien Amiez, Olivier Girault, Jean-Stéphane Camérini, Jordan et Harold Bakalian... Si j’étais parti ce

Une cicatrice de  cm ” Mon père de  ans...”

 mai, j’aurais eu mon épitaphe sur une pierre tombale. Et basta. Aujourd’hui, j’aime plus. Mais vraiment beaucoup, beaucoup plus. Et j’ai envie que ça se sache.

On vous dit moins pressé ? C’est un peu difficile à expliquer, mais je suis plus sensible aux choses. Je suis passé d’un gars qui ne tenait pas en place à quelqu’un qui peut décider de ne plus bouger d’un pouce pour admirer un paysage. Comme la SainteVict­oire. Avant, je ne l’aurais même pas calculée. J’entends la brise, j’ai envie de la sentir sur ma nuque. Je n’ai plus le désir d’aller trop vite. Mon père, qui a  ans, et qui ne s’est jamais ménagé (il était ouvrier de chantier naval), me fait rire avec ses conseils : « Ne te penche pas. Et si c’est trop profond, laisse mesurer les autres ». J’ai toujours l’âme d’un garçon de  ans, mais je n’ai plus besoin de faire un  trous, d’aller enjamber un jet- ski dans la foulée puis de sortir boire un coup en soirée pour me sentir bien. Cela ne m’empêche pas de me sentir plus heureux et plus épanoui. Profession­nellement et aussi dans ma seconde vie amoureuse, que j’essaye de protéger.

Et le foot, dans tout ça ? J’ai encore quelques amis de ce monde-là. Comme Antoine (Kombouaré). Du temps du PSG, on était voisins. Après les matches, on restait  heures dans la voiture, devant le portail, à refaire le monde. Je suis aussi allé assister à la finale de la Ligue des champions, à Cardiff. J’ai passé un moment merveilleu­x. Il y avait du bonheur plein les tribunes. Le ballon doit servir à ça.

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 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? David Ginola de retour au Old Course de Cannes-Mandelieu. L’endroit où il y a un an, son coeur s’était arrêté de battre.
(Photo Patrice Lapoirie) David Ginola de retour au Old Course de Cannes-Mandelieu. L’endroit où il y a un an, son coeur s’était arrêté de battre.

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