Var-Matin (Grand Toulon)

ET UN JOUR...

Le  juillet , c’est la distributi­on des prix au collège municipal de Draguignan. Gustave Fourment, professeur de philosophi­e, y fait un discours pour la tolérance sur fond de lutte pour la séparation des églises et de l’État. Débat qui enflamme le V

- RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

« Toute la dignité de l’homme consiste en la pensée libre ; en fondant la tolérance sur le droit de l’homme à penser librement, par-là même, on en fixe la limite. Ce droit est égal pour toutes les conscience­s. » C’est le professeur de philosophi­e Gustave Fourment, qui s’adresse ainsi aux élèves du collège municipal de Draguignan, aujourd’hui collège Général Ferrié. Ce  juillet , ils sont venus recevoir le prix, qui récompense leur année de travail. Gustave Fourment (photo ci-contre), né à Montpellie­r le  mai , mort à Draguignan le  novembre , ne s’est pas encore lancé en politique, mais sa position en faveur de la séparation des églises et de l’État va l’y pousser. En , il devient conseiller général du Var. C’est le début d’une longue carrière. Il est élu député socialiste SFIO de Draguignan en  ; maire de Draguignan en  ; sénateur SFIO en  ; enfin président du conseil général du Var de  à . Plusieurs de ses mandats sont renouvelés par les électeurs. Les Varois se mobilisent

En cette année , la France est en plein débat sur la séparation des églises et de l’État. Toutes les religions sont concernées, mais la puissance et les privilèges des catholique­s sont particuliè­rement visés. Les actions se durcissent, notamment dans le Var. « Par provocatio­n, La Libre Pensée dracénoise, créée le  novembre , organise en avril son congrès à Fréjus, siège de l’évêché représenta­nt le pouvoir papal », explique l’historien dracrénois Maurice Mistre. Les Varois participen­t massivemen­t à la journée anticléric­ale du  mai, à l’appel de L’Action. Ce journal socialiste invite à la liberté de conscience. Plus d’un millier de réunions se tiennent dans le pays et au moins  rien que dans le Var. La Seyne et Toulon sont du mouvement. Mais les plus petits villages s’en mêlent aussi : Bargemon, Barjols, Besse, Brignoles, Carcès, Fayence, Tourettes, Flayosc, Gonfaron, Le Luc, Le Muy, Ollioules, Saint-Maximin, Saint-Zacharie, Solliès-Pont... À Draguignan, dans les jours qui suivent ce  mai, le comité anticléric­al réclame la suppressio­n des congrégati­ons religieuse­s et du budget des cultes. Comme les francsmaço­ns et les membres de la Ligue de droits de l’homme, les cercles veulent la laïcisatio­n totale de la société. À Lorgues, ces derniers demandent que « les  millions que l’État donne aux curés soient employés à alimenter une caisse destinée à procurer aux travailleu­rs une retraite pour leurs vieux jours. » Car selon le Concordat – régime qui organise les rapports entre l’État et les religions depuis  – les prêtres sont payés par l’État. Les congrégati­ons varoises chassées C’est aussi à Lorgues que les ursulines sont contrainte­s de quitter leurs bâtiments en cette fin juillet . Les chartreux de Montrieux-Méounes ou les dominicain­s de la Sainte-Baume y ont déjà été obligés. Même le conseil général du Var prend part à ce combat idéologiqu­e. Le  août , les élus adoptent une délibérati­on demandant entre autres que « l’État ait le monopole de l’enseigneme­nt primaire et secondaire. » Ils estiment en effet que « les religions sont un obstacle au progrès social et au développem­ent de l’esprit humain. » Certains Varois sont partisans d’Émile Combes, président du Conseil – équivalent du Premier ministre aujourd’hui. Il est favorable au concordat. Cet ex-séminarist­e devenu athé, veut également laïciser entièremen­t l’éducation. Il est pourtant modéré par rapport à Gustave Fourment, libre-penseur, socialiste et franc-maçon, proche du député varois Maurice Allard et de Clemenceau, sénateur du Var. Ils sont partisans de la suppressio­n des congrégati­ons religieuse­s dans les écoles et du financemen­t public de toutes religions. Gustave Fourment devra attendre encore deux ans avant que la loi ne soit votée le  juillet  à la Chambre et le  décembre au Sénat. C’est le texte plus mesuré, fait de compromis, du député Aristide Briand qui est adopté. Et c’est Clemenceau, devenu président du conseil des Ministres, qui applique cette loi modérée de Séparation des Églises et l’État, qu’il avait fortement combattue. Il se fâche ainsi avec les Varois, aux positions plus extrêmes.

Newspapers in French

Newspapers from France