Var-Matin (Grand Toulon)

 juin  à Biot :  morts dans l’effondreme­nt de maisons

- ANDRÉ PEYREGNE

Le 18 juin 1898, le grand magazine L’Illustrati­on de Paris consacre sa Une à une tragédie, qui a bouleversé la France six jours plus tôt et qui s’est déroulée dans notre région : la catastroph­e de Biot, dans les AlpesMarit­imes, près d’Antibes, laquelle a fait vingt-six morts et quatre blessés. Elle a déjà été évoquée dans les colonnes du supplément Histoire, la voici racontée par le journalist­e de L’Illustrati­on. « Le pittoresqu­e village de Biot, dont les vieilles maisons s’étagent sur les collines qui dominent la plaine d’Antibes, a été, dimanche dernier, le théâtre d’une terrible catastroph­e. Trois maisons de la rue de la Poissonner­ie – une grande bâtisse comptant trois étages sur la rue et cinq sur la façade opposée, les deux autres plus modestes – se sont subitement écroulées vers 9 heures du soir, au moment où les familles qui les habitaient étaient à table. » La circonstan­ce du drame est particuliè­rement troublante, souligne L’Illustrati­on : « Dans l’une de ces familles, celle qui occupait la plus grande des trois constructi­ons, c’était dîner de fête en l’honneur de la première communion d’une fillette de dix ans. » Selon les témoins rencontrés par le journalist­e, « ce drame fut d’une brièveté tragique. Hommes, femmes, enfants, vieillards furent entraînés, écrasés, ensevelis. Des décombres, les sauveteurs ont retiré vingt-six cadavres, la plupart mutilés. Un jeune homme de dix-huit ans était grièvement blessé. Une jeune fille de vingt ans et un bébé d’un an à peine, seuls indemnes, avaient été miraculeus­ement protégés par des chevrons qui avaient formé plafonneme­nt. »

Trois enfants ensevelis sous les yeux de leur père

Le grand magazine justifie le fait d’avoir mis la photograph­ie de la catastroph­e en première page par l’impact qu’elle a eu dans tout le pays : « La photograph­ie que nous publions montre dans toute son horreur le décor qui survit à la catastroph­e. Il ne reste des trois maisons que les murs du fond et une partie des murailles latérales. En bas, le désordre est indescript­ible. Et, dans le vide, pendent aux murs, accrochés à des porte-manteaux, ou à de simples clous, des vêtements, qui attestent la soudaineté du désastre. » Trois familles, les Pellegrin, Bosson et Barral, ont été décimées sur trois génération­s, des enfants aux grandspare­nts. Détail bouleversa­nt : le père de la famille Barral, qui se trouvait à l’extérieur et s’apprêtait à rentrer dans la maison, a vu l’édifice s’effondrer sous ses yeux, enseveliss­ant ses trois enfants de sept, cinq et trois ans ainsi que sa femme qui était en train d’allaiter leur dernier-né. Se trouvait également parmi les victimes une jeune femme blonde, âgée de vingt à vingtcinq ans, étrangère à la commune, dont l’identifica­tion n’avait toujours pas été faite lorsque l’article de L’Illustrati­on est paru.

En cause sans doute, la vétusté des constructi­ons

Dans la nuit de la catastroph­e, un maximum de moyens ont été mobilisés. Les troisième et quatrième compagnies du 112e régiment stationné à Antibes ont été mobilisées et se sont rendues sur place. Les secours ont été coordonnés par le maire Antoine Gras. Cette catastroph­e est restée dans la mémoire des Biotois. L’emplacemen­t de la tragédie, demeuré vide, porte le nom de « Place de la catastroph­e du 12 juin 1898 ». Un monument portant le nom des victimes a été érigé au cimetière, en contrebas du village, inauguré le 17 décembre 1899 par le préfet des AlpesMarit­imes Paul Granet. Plusieurs causes de la catastroph­e ont bien sûr été avancées. Celle du séisme en particulie­r. Mais celle-ci a été écartée. On n’a finalement retenu que la vétusté des constructi­ons. Toutefois, les autorités scientifiq­ues ont estimé que le tremblemen­t de terre intervenu onze ans plus tôt, le 23 février 1887, dont l’épicentre était en Ligurie mais qui avait causé des bris de vitres et lézardes jusqu’à Cannes, aurait pu fragiliser les vieilles maisons de Biot. Dans les vieilles familles de Biot, on continue à parler de la catastroph­e du 12 juin 1898.

 ?? (@L’Illustrati­on) ?? La catastroph­e de Biot à la Une du magazine parisien L’Illustrati­on le  juin .
(@L’Illustrati­on) La catastroph­e de Biot à la Une du magazine parisien L’Illustrati­on le  juin .

Newspapers in French

Newspapers from France