Var-Matin (Grand Toulon)

Alain Ruocco raconte ses mille et une vies !

Passionné de noble art depuis toujours, le boxeur, entraîneur, promoteur, organisate­ur Alain Ruocco vit de souvenirs. Nostalgiqu­e, sa discipline de prédilecti­on n’est plus ce quelle était

- PROPOS RECUEILLIS PAR PAUL MASSABO

Quatre boules de cuir » chantait Nougaro. Alain Ruocco, lui, aura vu et connu ces mêmes boules toute sa vie, même si certaines d’entre elles s’apparentai­ent davantage à des râpes à fromage, tant le cuir était usé. « Ah, ces fameux galas amateurs organisés à La Seyne par Giancarlo Centa, face aux adversaire­s entraînés par Spagnol, quelle époque »se souvient cet homme qui a voué son existence à la boxe, au noble art... A maintenant 72 ans, Alain Ruocco garde des souvenirs plein la tête, même si sa mémoire lui joue parfois des tours. Pour ce fils et père de boxeur (Mario et Marc), le noble art est bien plus qu’une discipline sportive. C’est une discipline de vie. Après plus de 130 combats chez les amateurs - c’est à 16 ans qu’il mit les gants pour la première fois - il a pris part à 57 combats profession­nels pour 46 victoires chez les welters. De la boxe, il sait tout. C’est une encyclopéd­ie. Boxeur, entraîneur, manager, organisate­ur, ce Toulonnais pur jus aura connu des hauts et des bas tout au long de ses 57 années passées dans ou autour des rings. Aujourd’hui retraité, ce toujours passionné regarde avec beaucoup de dépit une discipline qui, selon lui, « se meurt à petit feu ». Ami de Rodrigo Valdez disparu en début d’année, ce tumultueux passionné à la vie bouillonna­nte (elle fut tout sauf un long fleuve tranquille peut d’ailleurs témoigner Josée, son épouse) pourrait parler des nuits entières du ring avec ses lumières, mais aussi ses côtés obscurs. Aujourd’hui, Alain Ruocco, sans jouer les passéistes, vit de nombreux souvenirs. Il se préoccupe du devenir du noble art dans notre pays. Et se rappelle le bon vieux temps avec ses frères de ring, ses frères d’armes. De la boxe, il peut en parler jusqu’au bout de la nuit. Jusqu’au bout de sa vie…

Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de votre carrière ? En tant que boxeur, c’est curieuseme­nt une défaite que je retiens. Le  novembre , j’affrontais à Vienne (Autriche) le Yougoslave Margan Benès. C’était un très grand boxeur, invaincu le jour où je l’ai rencontré. J’ai tenu jusqu’à la limite ( rounds). À la fin du combat, il était venu me féliciter. On était devenu ami. Par la suite, en , il a remporté le titre de champion d’Europe (EBU) des super-légers avant de perdre la vue quatre ans plus tard. Votre pire souvenir ? C’est bien sûr ma radiation à vie. En décembre , au terme d’un match gagné à Clermont-Ferrand l’arbitre, qui entretenai­t une relation avec la mère de mon adversaire, avait levé son bras. Là, j’ai vu rouge. Je lui ai tapé dessus, violemment. À la suite de cette affaire qui avait fait du tapage, j’ai été radié à vie de toutes les fédération­s sportives. Sans la motivation de la compétitio­n, je me suis égaré quelque temps dans de mauvaises fréquentat­ions. Avec le recul, j’ai ainsi pu vérifier par moi-même que le sport est un véritable tremplin social. Avez-vous un jour connu la peur ? (Après une rapide réflexion) Peur ? Non, jamais ! J’étais prêt à rencontrer tout le monde. Je ne me suis jamais compromis dans une magouille. Quand avez-vous décidé d’arrêter votre carrière ? J’avais  ans. Je m’étais dit que c’était le bon âge. J’ai terminé sur cinq victoires consécutiv­es. À votre époque, devenait-on riche avec la boxe ? On gagnait notre vie. Mais personnell­ement, je dépensais tout en fringues et dans les boîtes de nuit. Je faisais la fête, j’aimais flamber. J’étais une petite vedette et j’avais tout plein d’amis autour de moi. En fait, c’était surtout un tas de petits connards. Avez-vous des regrets ? Après coup, je pense que j’aurais pu faire une grande carrière, aller jusqu’au championna­t d’Europe.

Mon pire souvenir ? Bien sûr, ma radiation à vie”

Mais j’avais un coach qui ne pensait qu’à l’argent. Outre les  % de ma bourse, il prélevait aussi les frais d’entraîneme­nt. Il ne m’a jamais protégé, ne m’a pas permis de bâtir une carrière. Ce que j’ai subi et vécu, mes boxeurs ne l’ont jamais connu. Ah, si j’avais eu un entraîneur comme moi… Quelle est l’anecdote qui vous a le plus marqué ? C’était à Marseille, salle Marceau. Carivalle était un boxeur de la cité phocéenne très déconneur. On s’était rencontré à six reprises. La septième fois, au moment où l’arbitre donnait les traditionn­elles consignes au centre du ring, il m’a pris dans les bras et s’est mis à danser avec moi. Toute la salle riait. Que vous a apporté la boxe ? Grâce à la boxe, j’ai tout connu. J’ai eu une belle vie. J’ai voyagé dans le monde entier et rencontré des garçons hors du commun. Je faisais notamment le sparring-partner avec de grands boxeurs, à l’image de Valdez que personne ne voulait rencontrer à l’entraîneme­nt. J’ai mille et un souvenirs en tête.

Grâce à la boxe j’ai tout connu. J’ai eu une belle vie”

Au cours de toutes ces années, quelle a été votre plus grande déception ? Tout d’abord, le fait que mon fils Marc ne soit pas devenu champion d’Europe puis qu’il soit parti, par dépit, chez Jean Molina (un grand manager à l’époque). Enfin, les deux défaites successive­s de Fred Sellier au championna­t du monde et tout particuliè­rement celle de  contre Collins.

 ?? (Photos P. M., P. Bl. et G. R.) ?? Grâce à la boxe, Alain Ruocco a connu des peines, mais aussi tous les bonheurs du monde.
(Photos P. M., P. Bl. et G. R.) Grâce à la boxe, Alain Ruocco a connu des peines, mais aussi tous les bonheurs du monde.

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