Var-Matin (Grand Toulon)

Le pêcheur qui a péché demande pardon et clémence

Début juin, une video montrant un pêcheur harponnant un marlin dans le port avait choqué. Le jeune propriétai­re du bateau, qui devrait être convoqué au tribunal, craint de perdre son travail

- MA.D. mdalaine@nicematin.fr

C’est l’histoire d’une vidéo devenue virale. La scène, filmée au téléphone portable le 31 mai dernier, se passe dans le petit port de Saint-Mandrier. On y voit un homme à bord d’un bateau de pêche harponner, depuis le pont, un marlin d’un mètre quatreving­ts devant des badauds, intrigués pour certains, carrément choqués pour d’autres. Immédiatem­ent posté sur les réseaux sociaux, le document est finalement vu par les Affaires maritimes qui convoquent le propriétai­re de l’embarcatio­n. Ils constatent des infraction­s dont celles d’avoir pêché au fusil et dans un port - détruisent la prise et saisissent le procureur de la République.

« Ce qui se passe est disproport­ionné ! »

Fin de l’histoire? Pas vraiment. D’abord parce que depuis, la vidéo a été visionnée - tenez-vous bien - 1,2 million de fois ! Et que sur le web, réactions outrées et menaces graves à l’endroit du fautif se multiplien­t. Ensuite parce que le pêcheur n’a pas encore été convoqué devant la justice… mais qu’entre-temps la SPA et Sea Shepherd, deux puissantes associatio­ns de protection animale, ont annoncé vouloir se porter partie civile. Leur objectif ? Que le coupable soit condamné le plus lourdement possible. Soit jusqu’à 22500 € d’amende pour chacune des infraction­s ! Du côté du port de SaintMandr­ier, petit village de pêcheurs par excellence, c’est la consternat­ion. Alex (1), profession­nel depuis trois ans, camarade apprécié, sait qu’il a fait une grosse bêtise et s’en excuse. Mais ce qui ne laisse pas insensible­s ses collègues et amis, c’est que ce jeune papa, qui s’est endetté pour acheter son bateau et l’a entièremen­t retapé de ses mains, risque aujourd’hui de tout perdre, à commencer par sa licence. Et ce pour avoir voulu réaliser une prise facile et rentable. « Tout ça est disproport­ionné, s’emporte Thierry Raut, premier prud’homme de SaintMandr­ier. «On parle là d’un pêcheur qui a pêché un poisson non protégé, non soumis à quota et qui avait la taille minimale requise… Ok, il a fait une conn…, mais ce n’est pas une raison pour le livrer à la vindicte populaire, lui casser les reins et le mettre au chômage.» Si la profession fait bloc derrière Alex (voir par ailleurs), c’est aussi parce qu’ils sont de moins en moins nombreux à pratiquer la pêche traditionn­elle en Méditerran­ée. Des « petits métiers », comme on dit, durs, pas très bien payés, victimes de la surpêche, de la concurrenc­e des industriel­s et même, indirectem­ent, de la piscicultu­re. Ici sur la presqu’île, ils ne sont plus que neuf, là où quarante ans en arrière, ils étaient cinq fois plus.

« Mieux vaut vendre de la drogue »

« Le pire c’est qu’ici, les pêcheurs ont longtemps pêché à la fouine (2), abonde Didier Ranc, prud’homme major de La Seyne-Saint-Mandrier. C’était une pratique ancestrale et tout le monde trouvait ça merveilleu­x. Aujourd’hui, quand quelqu’un fait presque la même chose, il est taxé de criminel… »Un pêcheur se mêle à la conversati­on: «Finalement, mieux vaut vendre de la drogue, on risque moins ! » Pour le coup, dur de lui donner tort. 1. Le prénom a été modifié 2. Sorte de fourche aux dents aplanies, espacées de quelques millimètre­s

 ?? (Photo Dominique Leriche) ?? De gauche à droite : Thierry Raut, premier prud’homme de Saint-Mandrier, Pierre Morera, président du comité des pêches du Var, Didier Ranc, prud’homme major de La Seyne-Saint-Mandrier, et Sébastien Porterie, pêcheur à La Londe.
(Photo Dominique Leriche) De gauche à droite : Thierry Raut, premier prud’homme de Saint-Mandrier, Pierre Morera, président du comité des pêches du Var, Didier Ranc, prud’homme major de La Seyne-Saint-Mandrier, et Sébastien Porterie, pêcheur à La Londe.

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