Attentat raté à Paris : une fiche S un arsenal et des questions
L’attentat raté sur les Champs-Élysées « aurait pu avoir des conséquences humaines dramatiques », selon le procureur de Paris : l’arsenal impressionnant d’Adam Djaziri, 31 ans, radicalisé, autorisé à détenir des armes et convoqué par les renseignements, laisse de nombreuses questions encore irrésolues pour les enquêteurs. « Quel était le projet précis de l’auteur? Avait-il prédéterminé sa cible? Comment avait-il conçu son dispositif qui, selon toute vraisemblance, avait pour objet de faire de son véhicule un engin explosif ? A-t-il précipité son action et pour quelle raison? » Le procureur de Paris François Molins a énuméré, hier, lors d’une conférence de presse , quelques-unes des nombreuses questions qui se posent toujours aux enquêteurs, trois jours après l’attaque qui a fait pour seule victime l’assaillant. Dans la voiture qui a percuté lundi à 15 h 39, au niveau du rond-point des Champs-Elysées, le véhicule de tête d’un convoi de gendarmes mobiles, les enquêteurs ont notamment retrouvé des armes (pistolets, carabine, couteau), plus de 8 700 cartouches, « deux bouteilles de gaz de 13 kilos chacune, pleines et toujours dotées de leur opercule de sécurité » ainsi qu’« une besace calcinée qui contenait de très nombreux projectiles ressemblant à des ogives », a précisé M. Molins. Djaziri est mort d’une « défaillance cardiorespiratoire par probables lésions de blast avec inhalation de fumées », à cause d’une explosion dans sa voiture, peu après avoir percuté le fourgon de gendarmerie. Les enquêteurs cherchent encore à déterminer l’origine de « cette fumée orange [qui s’est échappée du véhicule] dont nous ne savons toujours pas à quoi elle correspond », a ajouté le procureur.
Son profil de radicalisé était connu depuis près de trois ans, mais il a trompé la vigilance des services de renseignement. Il avait été signalé en septembre 2014 par les autorités tunisiennes « pour des suspicions de relations avec un groupe d’individus en lien avec le terrorisme », a expliqué M. Molins. Des voyages en Turquie en 2015, avec femme et enfants, et en 2016 avaient également éveillé les soupçons des services français. Une fiche S a été émise par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le 31 août 2015. Une fiche S a été émise par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le 31 août 2015. Dans une lettre-testament envoyée à plusieurs proches le jour de son attaque, l’assaillant a expliqué « avoir voulu rejoindre la Syrie et déploré en avoir été empêché, je cite, “par des apostats contre l’État islamique”», a ajouté M. Molins. Dans cette lettre, il explique également « avoir pratiqué le tir sportif, non par une quelconque adhésion au survivalisme, comme il avait pu le prétendre un certain temps, mais pour sa préparation au djihad ». Grâce à son autorisation de détention d’armes, renouvelée en 2017, il avait acquis en toute légalité deux pistolets automatiques et une carabine de chasse, de catégorie B. Il avait également déclaré deux fusils de chasse et deux carabines de catégorie C. Selon une source proche du dossier, il ne s’était pas rendu en mai à deux convocations de la DGSI, invoquant « des raisons de santé ». Une nouvelle convocation avait été envoyée à Adam Djaziri mais il était passé à l’acte juste avant, a ajouté cette source. COUR D’ASSISES DE PARIS La cellule djihadiste CannesTorcy à l’heure des comptes Après deux mois de procès devant la cour d’assises spéciale de Paris, vingt membres de la filière djihadiste de CannesTorcy, considérée comme une des plus dangereuses de France, devaient être fixés sur leur sort la nuit dernière. La cour présidée par Philippe Roux s’est retirée hier matin vers h, pour délibérer longuement. A h , à l’heure où nous mettions sous presse, le verdict n’était pas encore connu. L’accusation les croit « prêts à recommencer » et a demandé des « peines exemplaires », allant jusqu’à la perpétuité pour Jérémy Bailly, l’auteur présumé d’un attentat raté à la grenade dans une épicerie casher de Sarcelles (Val-d’Oise) en . De lourdes peines, de à ans de prison, ont été requises pour des séjours en Syrie ou des projets d’attaque. Avant que la cour ne se retire pour délibérer, la parole a été donnée, hier matin une dernière fois aux accusés, âgés de à ans, dont dix comparaissent détenus et sept libres (trois sont en fuite): «Mettre une peine pharaonique à une personne, c’est en faire un dissident, un haineux», a soufflé Jérémy Bailly entre deux sanglots. Plusieurs se sont excusés pour leur « comportement dans le box », pour avoir parfois ri, bavardé. Ils ont appelé la cour à se garder de toute « passion », alors que trois attentats ont été commis en France depuis le début du procès le avril.
La défense avait aussi exhorté la cour à ne pas juger « dans la peur », à s’arrimer au code pénal pour rendre « la justice » et ne pas partir « en croisade ». En l’absence du chef, tué lors de son interpellation, la peine la plus lourde a été requise à l’encontre de Jérémy Bailly: la perpétuité, assortie d’une période de sûreté de ans, « une peine de mort civile » pour sa défense. Des peines de à ans, avec une sûreté des deux tiers, ont été requises à l’encontre des « Syriens » de la bande. Sont notamment concernés Ibrahim Boudina, qui a passé seize mois en Syrie et qui était selon l’accusation « revenu pour commettre un attentat » sur la Côte d’Azur, et Jamel Bouteraa, qui n’a passé qu’un mois en Syrie mais est accusé d’avoir «fait des repérages en vue d’une attaque contre des militaires». Des peines de à ans de prison ont été requises à l’encontre des sept accusés comparaissant libres. Se défendant de « faire le procès de l’islam », l’accusation a cherché à décrire le « fanatisme criminel » de vingt hommes, issus de familles aisées ou ouvrières, originaires d’Algérie, du Laos ou de France, dont « plus de la moitié sont des convertis ». A l’heure du verdict, Jamel Bouteraa a voulu regarder devant lui : « Ce procès-là, il m’a appris beaucoup de choses, sur moi, sur vous. On a tous un coeur ici. Sachez que j’aime la vie. »