Seborga, détachée du comté de Nice pour un impayé de
Lorsqu’on franchit la frontière italienne à Menton et que l’on parcourt sur une vingtaine de kilomètres la route dominant les cités maritimes de Vintimille et de Bordighera, un village apparaît au flanc d’une colline, au sommet duquel se dresse un clocher baroque. Il y a beaucoup de villages semblables dans ce coin de l’Italie. Mais celui-ci n’est pas comme les autres. Au bout de la route sinueuse qui y mène, apparaît un panneau: «Bienvenue dans la Principauté de Seborga ». On pénètre en effet dans un petit État qui se veut indépendant. Ce territoire de 14 kilomètres carrés, dont la population ne dépasse guère trois cents habitants, a proclamé son autonomie en 1963, en prétextant un vice de forme dans son acquisition, en 1729, par le duc de Savoie et roi de Piémont-Sardaigne, VictorAmédée II. Le duc n’aurait jamais versé l’argent dû pour son achat ! L’histoire de Seborga remonte à la fin du premier millénaire. À cette époque, la partie est de notre région « Dali happening » à Sainte-Maxime est placée sous l’autorité des comtes de Vintimille. Leur comté s’étend de Monaco à San Remo, au sud, et remonte jusqu’à Tende, au nord. En 954, le comte de Vintimille cède Seborga aux puissants abbés des îles de Lérins. Ils en font une principauté ecclésiastique avec, à sa tête, un prince-abbé élu. Selon certains historiens, il s’agirait de la première monarchie constitutionnelle au monde. Huit siècles d’indépendance se déroulent jusqu’en 1729. C’est alors que le duc de Savoie, roi de Piémont-Sardaigne Victor-Amédée II souhaite acheter la principauté. Un prix est fixé. L’affaire est faite. Mais aucun document n’atteste que l’argent a été versé. Le roi aurait-il été négligent ? Pire : escroc ? C’est là dessus que se fondent les habitants pour revendiquer leur indépendance. Ce qui est sûr, c’est que l’abbé Biancheri, qui régnait à cette époque-là, garda son titre de prince de Seborga jusqu’à sa mort, en 1740. Mais peut-être le roi de Piémont-Sardaigne lui avait-il fait cette concession au moment de l’« achat » ? Toujours est-il qu’en 1793, Seborga figure dans le département des Alpes-Maritimes, constitué après la conquête Cannes : Man Ray, un regard clandestin chez les Domergue du comté de Nice par la France à la Révolution. Mais en 1815, lorsqu’après la chute du Ier Empire le comté de Nice revient au Royaume de Piémont-Sardaigne, on ne trouve plus trace de Seborga dans ce royaume.
Le nouvel État écrit sa constitution
Oubli accidentel ou volontaire ? De là à conclure que Seborga est toujours un territoire indépendant, il n’y a qu’un pas ! C’est ce pas qu’a franchi, en 1963, un horticulteur nommé Giorgio Carbone. Constatant que ni le royaume ni la république d’Italie, créés entre-temps, n’ont statué sur le cas de Seborga, il a décidé, avec ses compatriotes, d’officialiser le statut de Principauté et s’est fait élire prince Giorgio Ier. Une constitution a été écrite, prévoyant que les princes seraient élus pour sept ans. Une monnaie a été créée, indexée sur le dollar, réactualisant la pratique des abbés de Lérins, qui frappaient leur monnaie à Seborga. Cet État qui a sa capitale, son drapeau, son souverain, son gouvernement composé de neuf ministres, sa monnaie, qui émet ses passeports et ses plaques minéralogiques, n’a pourtant jamais été reconnu par la communauté internationale. L’Italie a toutefois perdu les trois procès qu’elle a intentés contre lui. Ses habitants paient leurs impôts à l’Italie, mais les déclarent comme une « aide internationale »! Le prince actuel est Marcello Ier, promoteur immobilier élu en 2010, réélu en avril 2017 avec 75 % des voix - même si en 2016, un écrivain français, Nicolas Mutte, descendant prétendu de Napoléon, revendiqua son trône, fomenta un coup d’État et s’intitula à l’époque Nicolas Ier. Tout cela parce qu’en 1729, le duc de Savoie et roi de Piémont-Sardaigne n’a peutêtre pas acquitté sa dette !