Var-Matin (Grand Toulon)

Amélie Nothomb : une histoire d’amour avec ses lecteurs

La romancière était présente, hier, à la librairie Charlemagn­e pour dédicacer son dernier roman Frappe-toi le coeur, après une rencontre privilégié­e avec ses fans. Morceaux choisis

- VALÉRIE PALA

Elle est arrivée en avance à sa séance de dédicaces à la librairie Charlemagn­e, hier en début d’après-midi. Et tout de suite, Amélie Nothomb a entamé des retrouvail­les parfois très poignantes avec ses lecteurs et lectrices figurant dans la file d’attente déjà longue. L’une d’elles lui est même tombée carrément dans les bras. La romancière déclare souvent entretenir une relation très étroite avec son public, répondant aux lettres qui lui sont adressées. Nous avions déjà pu vérifier que cela n’était pas une légende quelques instants auparavant, lors d’une rencontre privée avec dix de ses fans, qui avaient remporté le concours organisé par la librairie pour ce moment privilégié. Très vite, Amélie Nothomb reconnaît Violette et Sabrina autour de la table, citant le jour précis de leur première rencontre et le contenu de leur lettre. «C’est quand même fou ce que mes lecteurs me connaissen­t bien ! », sort-elle à celles qui lui offrent du champagne, clin d’oeil à Pétronille, où l’auteur affirmait son goût pour la boisson « dorée ». Elle sort, en cette rentrée littéraire, Frappe-toi le coeur (Ed. Albin Michel), un roman non autobiogra­phique cette fois. L’histoire d’une mère jalouse de sa fille. Elle a accepté d’en parler avec nous et avec ses fans.

Une déclaratio­n à ses lecteurs.

« Je veux savoir qui vous êtes! Vous êtes mes inconnus préférés. Sans le savoir, je vis avec vous une histoire d’amour ou d’amitié. Je veux d’autant plus savoir qui vous êtes que je fais un métier qui me rend très solitaire et que cette solitude, certes, a de très bons côtés, mais peut être parfois terrible ! »

Amélie Nothomb et la jalousie.

« Oui, bien sûr, il m’est arrivé d’être jalouse, juste assez pour savoir que c’est une horreur et que vraiment j’espère que ça ne m’arrivera plus jamais. Et il m’est arrivé aussi d’être jalousée, très souvent, et c’est une horreur. »

Le choix de publier... ou pas

« J’écris beaucoup plus de livres que je ne publie, puisque je suis en train d’écrire le e roman. Frappe toi le coeur est le e publié, mais c’est le e écrit. Ce choix, je le fais seule, au grand dam de mon éditeur qui voudrait tellement faire ce choix à ma place ! Mais il n’en est pas question. Il faut toujours s’arranger pour que son éditeur soit, vis-à-vis de vous, en état de supplicati­on ! La procédure est toujours la même. Chaque année, à la fin de l’hiver, je relis les trois ou quatre romans que j’ai écrits dans l’année et toujours parmi ces trois ou quatre romans, je choisis, sans autre instinct que le désir, celui que j’ai envie de publier. Au moment de l’écriture, je n’ai aucune clairvoyan­ce, c’est-à-dire que je suis enceinte, je suis dans mon truc, c’est la passion. Quant à savoir si ce que je suis en train de faire est un monstre ou un enfant pourvu peut-être d’une certaine beauté, je suis incapable de le savoir. Et dieu merci, vous imaginez ! À la fin de l’hiver, c’est le moment pour se relire et voir avec une tête assez froide si ses enfants sont des monstres ou peuvent provoquer quelque émotion chez quelqu’un. »

Les romans non publiés seront figés dans... la résine

Cela figure dans son testament : « En cas de décès, ceux qui ne sont pas publiés ne seront pas publiés. Je ne sais pas si c’est cinquante ou soixante-quinze ans après mon décès – la loi n’est pas claire – que ce que j’écris tombe dans le domaine public. Vous me direz : “Cinquante ans après votre mort, personne ne saura qui vous êtes.” C’est fort probable. Mais malheureus­ement, je ne peux pas exclure l’hypothèse qu’il demeure quelques tordus qui, cinquante ans après ma mort, ne m’aient pas complèteme­nt oubliée. C’est pour ça que dans mon testament, il est stipulé que mes manuscrits non publiés doivent être, à ma mort, coulés dans un bloc de résine. La résine est une matière pleine d’avantages, elle conserve les romans pour toujours, tout en les rendant inaccessib­les. Il n’est pas question qu’on brûle mes manuscrits, ils sont mes enfants. Aucune mère ne peut vouloir qu’on brûle ses enfants. Mais coulés dans un bloc de résine, ils demeurent pour toujours et ils demeurent inaccessib­les. »

Le prochain roman.

« Bien sûr, je suis déjà dans une autre histoire... mais vous n’en saurez rien!»

Frappe-toi le coeur, éd. Albin Michel, 168 p.,

16,90 euros.

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(Photos Patrick Blanchard et Frank Muller) Séance de dédicaces en présence d’Olivier Rouard, directeur général de la librairie Charlemagn­e.
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Instant partagé avec dix lecteurs. L’une sera au bord des larmes.
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Une file d’attente impression­nante.

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