Var-Matin (Grand Toulon)

Survie du village

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3 et 8 ans. Originaire­s du Nord, eux aussi rêvaient d’une vie éloignée du tumulte quotidien de la vie urbaine. Lorsqu’ils ont vu sur LeBoncoin l’annonce d’une maison à louer, ils ont aussitôt sauté dessus. Lui est garagiste, elle est assistante de vie scolaire. Tous deux travaillen­t à Cuges-les-Pins, 10 km plus bas, où sont aussi scolarisés les gamins. Le couple regrette « qu’on ne fasse pas plus pour les gens qui habitent ici, comme poser une balançoire pour les enfants». Mais il ne tient pas non plus à ce que ça devienne Disneyland. «On ne veut surtout pas qu’il y ait trop de gens. » « Au-delà de 50 habitants, ça ne serait pas possible », juge pour sa part Suzanne Arnaud. Ce n’est de toute façon pas l’ambition de la commune. Riboux cherche certes à entretenir un certain dynamisme mais tout en « préservant le calme et l’authentici­té » qui font le charme des lieux. L’équation n’est pas évidente à résoudre. « On n’a pas envie de devenir grand, mais on a envie de continuer à exister avec notre façon d’être », appuie Madame la maire, qui est aussi vice-présidente de la Communauté d’agglomérat­ion Sud Sainte-Baume, dont le village est (très) dépendant. Voilà qu’arrive une équipe de cyclistes du Vélo Club de La Pomme, venue tout droit de Marseille. Claudine, Richard et compagnie connaissen­t bien le coin. «Ilyadetrès beaux circuits à faire en VTT, ou en randonnée, détaille Claudine .Ce qui est bien quand on vient ici, c’est qu’il n’y a personne sur la route » .En revanche, pas l’ombre d’un troquet pour boire un coup, ou ne serait-ce que pour faire une simple pause. « Au moins, on n’est pas tentés », ironise « Richie Porte ».

Un bistrot de pays

Il n’y a pas si longtemps que ça, le village comptait encore trois restaurant­s. On y croisait aussi bien des randonneur­s de passage que des ufologues en quête de vie extraterre­stre égarés ou des hommes politiques avertis friands de gibier local… Pour redonner un peu de dynamisme à sa commune, Suzanne Arnaud en est persuadée : Riboux a besoin d’un vrai bistrot de pays. C’est « la survie du village » qui est en jeu. « Il nous faut un endroit où l’on puisse manger, boire un verre et pourquoi pas faire des petites courses en cas d’oubli» . Cet établissem­ent servirait aussi de « point d’info pour les touristes ». Cela fait plus de quatre ans que le dossier est lancé. L’idée est d’investir le site de l’ancien restaurant, situé à deux pas de la chapelle, qui avait périclité à la mort de sa propriétai­re. Depuis, la mairie a racheté les 2,5 hectares de terrain mais le premier projet, qui prévoyait aussi d’aménager des chambres d’hôtes et dont le coût était estimé à 2 millions d’euros, a finalement dû être « nettement revu à la baisse ». «C’est vrai que c’était un peu démesuré vu le site», reconnaît Alexandre Doriol, directeur de cabinet de la communauté de communes Sud Sainte-Baume. Aujourd’hui, le projet est à nouveau sur les rails. Et même bien lancé avec une nouvelle maîtrise d’oeuvre. « Là, ça sera plus minimalist­e, avec la possibilit­é de transforme­r ce restaurant en logement si ça ne marche pas, éclaire Alexandre Doriol. L’idée est de confier sous la forme d’une délégation de service public les rênes à des gens qui veulent se lancer. Les études économique­s ont montré que le projet pouvait être rentable, assure l’élu, qui précise au passage s’être marié ici, à Riboux. Si la table est bonne, poursuit-il, il y aura du monde et ce sera tout à fait viable. Quand je vois les restaurant­s étoilés au guide Michelin dans le Luberon, je me dis que tout suivra… » Ce «café commerce» qui devrait sortir de terre en début d’année prochaine est vivement attendu par les Ribousiens. « On espère que ça créera de l’emploi et du dynamisme», s’enthousias­ment Sylviane et Daniel, un couple de retraités qui passe la moitié de son temps au village. «Le problème ici, détaille Daniel, c’est que les touristes ne font que passer sans s’arrêter. S’il pouvait y avoir un guide, ça serait bien aussi. »

En attendant la création du Parc régional

Ce guide pourrait accueillir les milliers de visiteurs « fans » de MarieMadel­eine. Car Riboux, faut-il le rappeler, est un «haut-Lieu de la Chrétienté » avec sa chapelle du Saint-Pilon, située sur le chemin de pèlerinage menant de SaintMaxim­in-la-Sainte-Baume à la grotte de Sainte Marie-Madeleine. Suzanne Arnaud est convaincue que la rénovation de la chapelle, débutée au mois de mai dernier, portera ses fruits. L’inaugurati­on est prévue pour le 21 octobre. Dernière source d’espoir : la création prochaine du Parc naturel régional de la Sainte-Baume. Cela fait depuis 1975 que Suzanne Arnaud milite pour ce projet qui devrait être « concrétisé d’ici à la fin de l’année ». À condition de réussir « le grand oral auprès des instances environnem­entales à Paris », le mois prochain. «Au début, raconte la vice-présidente des maires ruraux du Var, les gens avaient du mal à comprendre l’idée et étaient très réticents. Certains propriétai­res pensaient qu’on allait prendre leurs terres… Sauf que ce n’est pas ça. Ce Parc est censé expliquer comment conserver la nature et en prendre en soin. » La maire de Riboux s’y voit déjà : «Notre bistrot de pays servira de vitrine et de porte d’entrée à ce Parc ». Pour elle, il n’y a pas de doute : « Ça sera un plus pour le développem­ent de la commune». Elle en a fait sa priorité. « Je ferai tout pour que ça se réalise avant ma mort ». Après près de quatre décennies vouées à la défense de sa commune, Suzanne Arnaud affirme avoir toujours « la flamme ». Repartira-t-elle pour un septième mandat? À 83 ans «en pleine adolescenc­e », elle hésite encore. « Nous ver rons », balaie-t-elle sèchement, comme si finalement, l’avenir n’avait que peu d’importance par rapport à l’urgence du présent et à la nécessité de «rattraper le retard ». Or, pour être à l’heure, mieux vaut savoir quelle heure il est…

On veut exister avec notre façon d’être ” Si la table est bonne, il y aura du monde ”

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