Candice, l’étudiante qui décroche les médailles
Quand elle n’est pas sur les bancs de la faculté de Toulon, Candice Dupont enchaîne les championnats de France de gymnastique rythmique. Confidences entre deux sauts
Si je me suis lancée dans la gymnastique rythmique, quand j’avais six ans, c’est par un pur concours de circonstances. »Assise à la terrasse d’un bar du Mourillon, Candice marque une pause, porte sa tasse de thé noir jusqu’aux lèvres, en boit une gorgée. Dix-sept ans après le « concours de circonstances », Candice Dupont, 23 ans, a fait de ce mélange de danse, de gymnastique et d’adresse au ballon, au cerceau et au ruban une sorte de prolongement d’elle-même. Au sein de son club, l’Union gymnique des cantons de Solliès-Pont, la jeune Valettoise, en troisième année de STAPS à la faculté de Toulon, a gagné pas moins de quatre championnats de France en individuel ou en équipe. Sans compter les titres de vice-championne nationale, de championne régionale, départementale ou encore deux titres universitaires. « Ce que j’aime dans le sport, c’est cette sensation de se mettre en danger », glisse Candice. La dernière fois qu’elle a brillé sur les tapis, c’était les 20 et 21 mai derniers, à Nîmes. La gymnaste et ses quatre coéquipières y ont remporté les championnats de France par équipe. Couplée à son engagement à la tête de l’Association sportive de la faculté de Toulon, cette excellence athlétique a d’ailleurs poussé les instances universitaires à lui décerner le «titre» d’étudiante méritante (voir notre édition du 1er octobre 2017). « Tout a commencé quand ma prof de danse classique a dit à ma mère que je n’étais pas faite pour rester à faire des mouvements à une barre. Avec le recul, ça ne m’étonne pas, je suis hyperactive ! », s’amuse Candice. Quelques jours plus tard, sa mère papote avec une voisine ayant inscrit sa fille à la gymnastique rythmique, à Solliès-Pont. Après tout, pourquoi ne pas essayer? Très vite, les coachs de Candice repèrent le potentiel de l’enfant. Son énergie, sa souplesse. Elle apprend à se déplacer sur les tapis, à coordonner ses mouvements avec les autres et à manier massues, cerceaux et cordes. Elle enchaîne les formations et les niveaux. Enquille trois entraînements de trois heures par semaine. Dès ses 7 ans, elle participe chaque année aux championnats de France. En équipes d’abord, puis en individuel à partir de 11 ans. La première fois qu’elle a été championne de France ? La réponse fuse à peine la question formulée. « C’était en 2004, j’étais en CM1 et on a gagné le titre en équipe! Bon, après, je suis passée dans la catégorie des minimes et le titre nous a échappé pendant deux ans… » En 2011, la dimension change: Candice intègre le Creps d’Aix-en-Provence (Centre de ressources, d’expertise et de performance sportives, Ndlr). Dans cet établissement formant la crème de la crème du sport français, la jeune femme ne pratique plus neuf mais vingt-cinq heures de gymnastique hebdomadaires. Et c’est justement à ce moment que le sort se retourne. Un grave accident arrive à son père. « J’ai alors 12 ans et je dois prévenir tout le monde. Ça m’a énormément marqué, et le Creps a estimé que ce serait psychologiquement trop dur pour moi. Sauf que pour éviter de me le dire directement, ils m’ont fait croire que c’est parce que j’étais trop grosse… » Si la tentative de protection peut être louable, la technique n’en est pas moins malhabile. Car à une époque où les responsables de la gymnastique rythmique privilégiaient les sportives très minces, le stratagème produit des effets de long terme chez la jeune femme. Elle regagne son club de Solliès et continue de progresser, mais se convainc qu’elle est en surpoids. Et c’est ainsi que l’année 2014, malgré un titre de championne de France en équipe remporté à Bourg-en-Bresse en Division nationale 1 (soit la meilleure catégorie de cette discipline), se transforme en annus horribilis .« J’ai fait une anorexie mentale, je ne mangeais que des feuilles de choux. Je suis tombée à 37 kg, j’ai fait les championnats de Bourg-en-Bresse à 40 kg… » Candice tient le coup, mais Dorothée Innocenti, son entraîneuse la prévient : si elle ne se reprend pas en main, elle devra arrêter la gymnastique. Candice prend conscience de sa situation, «j’étais trop faible, je ne pouvais plus rien faire »-,faitle tour, en vain, de quelques psychiatres, avant de faire six séances chez un psychologue. « Ça m’a appris à parler… », soupire la jeune femme. Et aujourd’hui ? « Je vais voir une kinésiologue, qui travaille sur les muscles, ça me fait du bien. Par rapport au Creps, j’ai un peu de regrets, c’est ce qui emmène vers l’équipe de France… Mais bon, c’est le destin, avec des ‘si’ on refait le monde… La gymnastique rythmique reste ma passion, j’aime la grâce qui s’y transmet ! Et aujourd’hui, je consacre 95 % de mon temps à mon sport. J’ai une vie sociale très restreinte, je ne suis jamais partie en vacances… Je crois que j’ai envie de faire du ski, de me lâcher un peu ! » Envie de vivre, tout simplement...