Var-Matin (Grand Toulon)

Associatio­n Stop Inceste: en finir avec le passé sous silence

- L. A.

Le premier groupe de parole varois de l’associatio­n Stop Inceste vient de voir le jour à La Valettedu-Var. Témoignage d’Ingrid Hild-Hubschmann, ancienne victime de ce drame familial, à l’initiative de ce projet. Sa force de résilience est symbolisée par la solidité du bracelet vert accroché à son poignet. Puisée au fil d’expérience­s douloureus­es, d’étapes de vie surmontées à l’aide du soutien d’autrui, la volonté dont fait preuve Ingrid est exemplaire. Victime d’inceste à l’âge de dix ans jusqu’à l’approche de sa majorité, elle mène aujourd’hui un combat pour faire de son vécu, le totem de la sensibilis­ation d’un sujet encore aujourd’hui tabou. Toujours ignorée malgré plus de quatre millions de victimes recensées en France, cette agression revient au centre des débats en 2017, en marge de la propositio­n de loi sur le consenteme­nt sexuel. «Pourquoi attendre si longtemps pour légiférer au sujet de l’inceste. Il n’est inséré dans le code pénal que depuis le 15 mars 2016, après deux siècles d’omission. C’est une première victoire, mais il faut maintenant revoir le principe de prescripti­on. Les délais sont de vingt ans, après la majorité de la victime. C’est trop peu, et n’aide pas au processus de reconstruc­tion » déplore Ingrid. La thérapie prend en effet beaucoup de temps. Il faut d’abord mettre des mots sur l’acte, prendre conscience de la gravité des faits. Une réflexion délicate pour un enfant ou un adolescent. « La victime se questionne, tente de comprendre; et l’ignorance engendre un sentiment de culpabilit­é. Les nondits et le contexte familial forment une chape de plomb. Ils accentuent ce ressenti fautif et ne favorisent pas la libération de la parole, point de départ essentiel pour mettre fin à ce mal-être tenu secret », poursuit-elle.

L’absence de formation spécifique

Le voile enfin levé, au terme d’échanges compliqués avec ses proches, cette Varoise d’adoption entame enfin les démarches pour révéler au grand jour le caractère incestueux de cette agression. De dépôt de plainte au commissari­at en visites chez différents médecins, elle poursuit pas à pas un travail personnel, entre introspect­ion et confession. Mais le constat est amer, sans appel: «Je me suis rendu compte au fil des gens rencontrés, d’un manque total de spécialisa­tion des services. Tant au niveau médical que judiciaire, la question de l’inceste est survolée ! Les psychiatre­s jouent bien évidemment leurs rôles de béquilles, sans pour autant maîtriser totalement ce sujet. Il est impératif que l’ensemble des services soient formés en conséquenc­e ». Un désespoir de l’instant devenu le déclencheu­r d’un besoin d’alerter et de soutenir les victimes. Âgée d’une quarantain­e d’années et mère de trois enfants, elle poursuit actuelleme­nt des études d’infirmière et créée en avril 2017 l’associatio­n « Stop Inceste». La matérialis­ation d’une structure dont les missions sont nombreuses. Elle multiplie les interventi­ons pour médiatiser sa cause. Aidée par SOS Médecin Toulon, elle souhaite une prise en charge pluridisci­plinaire de l’inceste ; aux niveaux social, psychologi­que et juridique.

À la rencontre des enfants

« Mon objectif est l’ouverture d’un centre de résilience pour venir en aide aux victimes. Je veux également organiser des visites d’échanges auprès des plus jeunes. Dans l’hexagone, un enfant sur cinq est touché par des violences sexuelles. Se rendre dans les établissem­ents scolaires est devenu une priorité. Des campagnes d’informatio­ns contre l’alcool et le tabac existent mais l’inceste est délaissé, à tort ». L’ouverture d’un groupe de parole à La Valette marque un premier engagement tangible, pour accompagne­r et atténuer la souffrance des personnes blessées dans leur chair et meurtries dans leur être.

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(Photo L. A.) Ingrid Hild-Hubschmann, présidente de l’associatio­n Stop Inceste.

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