«Un final amusant : une révolte contre les puissances de l’argent »
René Koering, metteur en scène de La Flûte enchantée
Même sans l’avoir vu, personne n’a échappé (plusieurs fois dans sa vie !) au grandiose air de la reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart. L’opéra de Toulon propose sa nouvelle production de ce singspiel (théâtre musical) écrit en . Alexandrer Briger sera à la baguette. Tuuli Takala sera la Reine de la nuit. Le célèbre et sulfureux ancien surintendant de l’opéra de Montpellier, René Koering oeuvre à la mise en scène. Prenant ses libertés avec le livret, il nous rend les dialogues plus accessibles en français et en anglais et le tout furieusement moderne. Avec lui, Mozart reste plus que jamais rock’n roll ! La franc-maçonnerie, à qui était dédiée cette oeuvre à l’origine, pourrait aussi y trouver quelques piques...
Vous avez remis au grand jour des oeuvres oubliées. Quels sont les écueils auxquels vous avez été confronté avec une oeuvre aussi célèbre que La Flûte enchantée ? On m’a demandé de faire La Flûte enchantée entre Noël et Nouvel an. Le premier acte part parfaitement bien pour une période comme ça. Mais en ce qui concerne le deuxième acte… Mozart a voulu rendre un hommage aux francs-maçons et les remercier pour leur aide (il était lui-même franc-maçon, Ndlr). Il a donc fait ce e acte, qui est extrêmement moraliste. Et puis la psychologie du XVIIIe siècle en Autriche, nous ne pourrons pas la retrouver ! Ceux qui ont essayé de faire quelque chose qui ressemblait à l’original de Mozart ont fait des spectacles qui sont relativement faibles.
Comment avez-vous fait ? Moi, j’ai pensé que c’était amusant de transposer La flûte enchantée dans un spectacle d’aujourd’hui. De garder l’essentiel des caractéristiques des personnages. Par exemple Tamino, prince japonais, j’en ai fait une star du rock. Il joue de la guitare électrique. Pour Papageno, j’ai gardé l’oiseau parce qu’il est intemporel. Sarastro, le roi des francs-maçons devient Spectre, la puissance du monde dans James Bond. C’est le roi de la finance. Il est à Wall Street. La reine de la nuit est Madame Lagarde, la dame du FMI. Le choeur, ce sont des gens qui travaillent à Wall Street, avec des téléphones portables. Pamina, Tamino, Papageno, Papagena sont des hippies. Monostatos est un Noir lubrique dans le livret. Comment osezvous aujourd’hui mettre cela sur scène ? C’est choquant, tout comme le discours de Sarastro sur les femmes. A un moment donné, j’avais dit en plaisantant au directeur de l’opéra, “tu viens sur scène avec un panneau qui dit Mozart et Weinstein demandent pardon aux femmes !” Donc les femmes du choeur lui tournent le dos, lorsque Sarastro chante cela. Monostatos, j’en ai fait un robot. J’ai pris une des images de Star wars. Pour les esclaves qu’il commande, j’ai prix C-PO ().
Comment ça se termine ? Pour Noël, je ne veux pas que ces gens-là gagnent. Sarastro doit prendre comme successeurs Tamino et Pamina. Je me suis dit que Sarastro va remettre son insigne, il va prendre sa guitare et il va se convertir aux Beatniks ! Ce sera une fin un peu amusante, une révolte contre les puissances de l’argent.
Comment avez-vous mis en scène le côté féerique ? J’ai demandé à Virgile, mon fils, qui fait beaucoup de D, des décors qui sont à moitié réels et pas réels. Par exemple, les bureaux de Sarastro sont à New York. Je l’ai mis sur une île au lointain… Le bureau de Sarastro est énorme avec trois portes où l’on reprend un peu la Vous risquez de choquer le public habituel de l’opéra…
Vous savez, depuis que je suis né, on me siffle quand j’arrive. J’étais élève de Boulez, donc j’ai écrit une musique dont personne ne veut. Je trouve que c’est un plaisir idiot de vouloir choquer le public. Mais quand on veut changer l’aspect de quelque chose… J’ai regardé la partition de Mozart et j’ai trouvé qu’à certains endroits, on peut faire un geste comme avec une guitare électrique, ça marche très bien ensemble. Pourquoi pas, après tout ? Vous savez, je suis quand même la tradition. Ce n’est pas parce que les images sont modernes que la tradition de l’opéra n’existe pas. 1. Robot de Star Wars.