Malaise dans la majorité
La politique migratoire de la France provoquera-t-elle le premier accroc de la République en marche ? L’option aujourd’hui, telle qu’elle est aujourd’hui exprimée par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, repose sur deux jambes. D’un côté, les demandeurs de droits d’asile : ceux-ci auront droit à des formalités plus rapides. Leurs dossiers seront examinés dans un laps de temps de six mois, pas davantage. En cas d’acceptation de leur dossier, ils seront régularisés, avec vocation à une meilleure intégration dans la société française. De l’autre, tous les migrants baptisés économiques, parce qu’ils viennent de pays qui ne connaissent pas la guerre, et ne sont attirés en Europe que par les difficultés rencontrées chez eux pour trouver chez eux de l’emploi. Pour ceux-là, selon le ministre de l’Intérieur, pas d’autre solution que de les reconduire aux frontières en vue d’une expulsion. Il faudra donc dans ce cas pouvoir distinguer ceux qui peuvent postuler au droit d’asile, et tous les autres. C’est ainsi que Gérard Collomb vient tout juste de demander aux préfets de procéder au tri entre les deux catégories de réfugiés dans les centres d’hébergement d’urgence. Dans le projet proposé par le gouvernement, une jambe peut séduire la droite, l’expulsion, d’ailleurs plus difficile à réaliser qu’on ne le croit, les « charters » n’y suffisant pas. Mais les facilités offertes aux demandeurs du droit d’asile ne suffisent pas à rallier la gauche à une politique migratoire que ses sympathisants jugent inhumaine. La difficulté pour Emmanuel Macron et Edouard Philippe est que le mouvement La République en marche ! est composé de Français qui viennent de la gauche et d’autres qui, «en même temps », viennent de la droite. Le gouvernement est à cette image, ainsi que le groupe parlementaire LaREM à l’Assemblée nationale. Alors ? Verra-t-on les députés LaREM se déchirer les uns les autres ? Y aura-t-il, parmi eux, des « frondeurs » ? C’est trop tôt pour le dire. D’abord parce que le projet Collomb n’est pas encore gravé dans le marbre, et qu’il peut encore être modifié par le chef du gouvernement ou par les députés. Ensuite parce que chacun, à droite et à gauche, sait bien que la France ne peut accepter, selon le mot ancien de Michel Rocard, « toute la misère du monde » et que, comme l’avait dit François Mitterrand, il y a un «seuil» au-delà duquel l’opinion publique bascule. On l’a vu en Allemagne récemment où l’accueil fait par Angela Merkel à un million de réfugiés a sérieusement entamé son capital électoral. Le débat, en France, peut donc raviver les fractures. Le groupe parlementaire macronien a accepté, sans broncher jusqu’à aujourd’hui, toutes les réformes proposées par le gouvernement. En sera-t-il de même pour le droit d’asile et les expulsions ? Ce sera dans les mois qui viennent, un test, à coup sûr, de la solidité de la majorité.
« Verra-t-on les députés LaREM se déchirer les uns les autres ? »