Var-Matin (Grand Toulon)

Le dernier ballon du patron du Plein Sud

Avenue de la Résistance, l’établissem­ent a été pendant plus de vingt ans le bar attitré des mordus de foot. Mais depuis un an, le voilà en vente. Yves Culleron nous raconte son histoire...

- SIMON FONTVIEILL­LE sfontvieil­le@nicematin.fr

TOULON

C’est un des seuls endroits de la Terre où vous verrez cela : une écharpe rouge et argent de River Plate accrochée à côté d’une, bleu et or, de Boca Juniors. Les deux stars du Superclási­co de Buenos Aires à moins de trois centimètre­s l’un de l’autre, sans que cela ne parte direct en pied-bouche… Non, cela ne s’est jamais vu…

Un havre de paix…

À l’angle de la rue Général-MichelAudé­oud et de l’avenue de la Résistance, le bar Le Plein Sud est un peu comme un havre de paix footballis­tique. Quand la remarque est faite à Yves Culleron, coupe mulet et bagouze à chaque doigt, le patron part dans un éclat de rire. « Il n’y a encore pas si longtemps, je me levais à deux heures du matin pour regarder ce derby! Alors quand le fils d’un de mes amis est parti faire un stage en Argentine, je lui ai dit de me ramener les écharpes de ces deux clubs… » Histoire de compléter la collection. Car Yves ne s’est pas cantonné à la grinta porteña. Punaisées au-dessus du comptoir de métal et des banquettes de cuir, soixante-six écharpes – « comme la route ! »–de tout ce que la planète compte de clubs de haut vol : Arsenal, Atlético Madrid, Ajax d’Amsterdam ou… Sporting Club de Toulon ! « J’ai commencé à les accrocher dans le bar il y a une douzaine d’années, quand la fille d’un copain m’a ramené une écharpe de chaque club de la capitale anglaise. Puis un ami, chauffeur de bus pour les stadiers de l’OM, s’est mis à me filer une écharpe de toutes les villes où les Marseillai­s allaient jouer. Après, c’est devenu comme une habitude. Mes clients me donnaient une écharpe de chaque endroit où ils passaient. Et dès qu’ils arrivaient avec, je l’accrochais ! » Mais Yves n’a pas attendu ses fameuses écharpes pour faire du Plein Sud un des seuls temples toulonnais du football. Quand il le reprend en 1992, ce petit bar de quartier devient rapidement le repaire de tout ce que Toulon compte d’adeptes du ballon rond, et en particulie­r les supporters du Sporting, qui viennent tous les vendredis soir. Yves réussi même l’exploit de faire venir au même endroit les Irréductib­les et les Fidelissim­i, deux groupes rivaux de supporters des Azur et Or.

Sacré marsouin

Les joueurs des clubs amateurs et les anciens pros du Sporting viennent casser une graine et tailler le bout de gras. Certains transforme­nt même le Plein Sud en une sorte de patte de lapin… « Quand le Sporting Club du Las existait encore, les joueurs venaient manger ici à chaque fois qu’ils jouaient en Coupe de France. La première fois qu’ils se sont qualifiés pour la coupe, ils avaient mangé chez moi juste avant, ils disaient que ça leur porterait chance...» Car Yves Culleron est un tantinet connu dans le monde du foot de la rade. Sur ses étagères, un article de Var-matin du 28 février 1999 le montre en pleine action, lors d’un match entre les anciens de l’OM et ceux du Sporting de Toulon…Dans le milieu, sa passion pour les ciseaux retournés lui vaut le surnom d’« Hrubesch », en référence au fameux internatio­nal allemand. Et comme lui, notre Yves a écumé une ribambelle de clubs. Après son BEPC, on retrouve ses crampons du côté de La Crau et de Solliès-Pont, puis le voilà qui intègre les cadets juniors du Sporting Club de Toulon. « En 1970 et 1971, on a été champions du Sud-Est, en critérium juniors ! », se souvient « Hrubesch » dans un sourire. En 1972, les joies du service militaire le mènent jusqu’à Tarascon. Qu’à cela ne tienne, il décide de jouer quelques mois à Beaucaire, dont le club est alors en quatrième division…

Toulon-Bombonera

En 1978, c’est dans le Petit Chicago, à la tête du Bar des Marsouins, qu’on le retrouve. Si le personnel du troquet ne compte aucun entraîneur moustachu, il peut compter sur quinzaine d’entraîneus­es... -« Mais attention hein, les filles ne faisaient qu’inciter les clients à boire ! »-. Deux ans plus tard, les protège-tibias du roi de la nuit toulonnais­e retrouvent le chemin du Sporting et s’entraînent avec ceux des pros. Jusqu’en 1988, Yves croise la route de ceux qui ont fait la gloire des Azur et Or : Duval, Bérenguier, Leboeuf ou encore Christian Dalger, revenu du mondial argentin avec l’équipe de France. Il entraînera même un temps « la troisième équipe, la réserve de la réserve ! » En 1986, il laisse tomber les « Marsouins», reprend un temps L’Oasis, place de La Liberté et remporte «une Coupe de France Ufolep avec un petit club, Azur Jeu », avant d’atterrir au Plein Sud. Mais depuis plus d’un an, ce temple est en vente… « J’ai envie de bouger, de prendre ma retraite. Je fais une overdose du bar... », soupire Yves. Alors, dans l’attente d’un repreneur, le minot du Pontde-Suve sert les vieux amis. Il se remémore les moments de bonheur, comme celui où, il y a près de quinze ans, les joueurs du Sporting passent au bar voir leurs supporters. Quelques coups de sang sont aussi au rendez-vous. « Àun moment, il y avait des problèmes d’argent, le Sporting était mal géré. Dans le bar, les supporters ont pris à partie les membres du staff…» Ses écharpes, il les donnerait bien à un groupe de supporters... Mais à condition que ce soit contre un billet d’avion pour visiter la Bombonera, le stade de Boca. « Ils ont les mêmes couleurs que Toulon ! »

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 ?? (Photo P. Bl.) ?? « Le foot, j’aime ça depuis mon enfance ! glisse Yves Culleron. Ça m’a permis de m’évader. Et quand j’étais à Bon Accueil, il n’y avait que ça à faire ! »
(Photo P. Bl.) « Le foot, j’aime ça depuis mon enfance ! glisse Yves Culleron. Ça m’a permis de m’évader. Et quand j’étais à Bon Accueil, il n’y avait que ça à faire ! »

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