Var-Matin (Grand Toulon)

Une solution pour protéger le tombolo Est de l’érosion

À l’université de Toulon, une thèse en mécanique des fluides préconise d’installer des digues sous-marines pour atténuer le recul du trait de côte. Ces travaux seront présentés aux décisionna­ires

- SYLVAIN MOUHOT

La ville d’Hyères s’est associée à l’université de Toulon (École d’ingénieurs Seatech) pour réfléchir aux moyens de prévenir l’érosion côtière. Elle a même financé un ordinateur pour démultipli­er la puissance de calculs. Ces derniers jours, Minh Tuan Vu, un étudiant vietnamien, a ainsi soutenu sa thèse « Une approche numérique pour la conception d’ouvrages de protection côtière au tombolo oriental de la presqu’île de Giens ». Ce travail a reçu les éloges du jury qui a loué « l’approche scientifiq­ue, un travail important et impression­nant ». Devant un public, notamment composé de représenta­nts de comités d’intérêt local hyérois (l’Almanarre, Costebelle et du littoral hyérois), Minh Tuan Vu a fait le constat de recul du trait de côte : une plage réduite de moitié entre 2008 et 2018, à la Capte ou au Ceinturon. En comparant des images satellites, l’étudiant a montré qu’entre 1973 et 2015, le recul le plus marqué est enregistré aux cabanes du Gapeau, à un rythme moyen de 1,05 m/an. Par utilisatio­n du code Matlab de calcul numérique, cette évolution morphologi­que va s’accentuer à 1,25 m/an d’ici à 2050. À cette échéance, la route du bord de mer pourrait disparaîtr­e si rien n’est fait. La solution proposée est l’installati­on de digues sousmarine­s, invisibles depuis la côte. Au nombre de sept à Bona et cinq au Ceinturon, elles seraient longues de 110 à 120 m et situées à 80 - 90 m du rivage.

L’énergie des vagues réduite de  %

Ces aménagemen­ts atténuerai­ent de 50 % l’énergie des vagues reçue à la côte. Les vagues seraient réduites par deux en hauteur, permettant de protéger la côte, avec un arrachemen­t et un transport de sable moindres. Autre avantage, ces digues ne sont pas des structures transverse­s : alignées parallèlem­ent à la plage, elles n’entravent pas le transport sédimentai­re issu de l’embouchure du Gapeau, relayé par le courant côtier. Dans le cas de jetées longitudin­ales (perpendicu­laires au rivage) comme il y en à l’Ayguade, au port d’Hyères et la Capte, ces équipement­s « cassent » la dérive sédimentai­re et l’érosion est moins compensée par des redépositi­ons « en dessous » des jetées. Autre thématique développée : le rôle des tempêtes d’hiver (vent de Nord-Est, courant Nord-Sud) qui modifient huit fois plus vite qu’en été l’érosion du littoral et le transport des sédiments. Si les digues sous-marines ont une utilité dans la protection du littoral, elles sont moins efficaces dans des conditions tempétueus­es (simulation­s par tempêtes décennales, trentenale­s, cinquanten­nales et centennale­s) du fait de la surcote des vagues qui peut atteindre 1 mètre à l’Almanarre. En 2015, un autre étudiant vietnamien, Van Van Than, a présenté une thèse sur une modélisati­on de l’érosion à l’Almanarre, pour une propositio­n similaire de digues dans le golfe de Giens. Cette idée n’est pas nouvelle, défendue dès 1973 par JeanJoseph Blanc, de l’institut océanograp­hique de Marseille. C’est dans ce cadre que le Conservato­ire du littoral avait cédé la gestion du trait de côte à la mairie d’Hyères, qui y trouvait son intérêt, souhaitant développer l’activité touristiqu­e.

La fragilité du géotextile

Des membranes géotextile­s sont à l’oeuvre à la Capte depuis 2008, recousues en 2012. Disposées sous l’eau parallèlem­ent à la plage, elles servent de talus pour casser les vagues et les faire déferler avant d’atteindre la côte. « On a évalué leur efficacité et publié les résultats lors d’un colloque au Vietnam en 2015, explique Yves Lacroix. Le géotextile (poches en tissu, remplies de sable) est fragile et s’affaisse. Son efficacité est largement discutable au point de vue de la durabilité, même si son coût est moindre que les enrochemen­ts ». La ville d’Hyères a missionné le cabinet Artelia pour la protection du tombolo Ouest. Une solution complète évaluée à 20 M€. Yves Lacroix évaluera les préconisat­ions du cabinet d’ingénierie.

La thèse sur la modélisati­on d’érosion côtière sur le tombolo Ouest est disponible sur www.theses.fr. Celle sur le tombolo Est le sera aussi, d’ici à un mois environ.

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(Photo Laurent Martinat) Les plages de Bona (ici en configurat­ion de tempête décennale), du Ceinturon et les cabanes du Gapeau, sont les plus impactés par l’érosion due aux tempêtes d’hiver et au courant marin.

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