Var-Matin (Grand Toulon)

« Un rêve qui se concrétise »

KTM a annoncé hier son alliance avec Tech3 à partir de 2019. Hervé Poncharal, le patron du team varois où Johann Zarco fait des étincelles, explique pourquoi il tourne la page Yamaha

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Hervé Poncharal, pourquoi vous ne vous exprimez pas dans le communiqué officialis­ant l’accord entre KTM et Tech ? Je ne parlerai pas de KTM jusqu’à la fin de la saison parce que nous sommes un team Yamaha en . Par correction, entre autres vis-à-vis de Johann (Zarco), je n’en ai pas envie. Quelque part, aujourd’hui, on se trouve dans la position d’un homme qui dit à sa femme : « Chérie, je te quitte cet automne mais nous allons vivre ensemble encore quelques mois ! » Mieux vaut arrondir les angles, non ? Le patron de KTM le sait. Dans l’immédiat, chacun va bosser de son côté. Et notre aventure commune débutera le lendemain du dernier Grand Prix.

Qu’est-ce qui a provoqué la rupture avec Yamaha ? D’abord, laissez-moi dire qu’on aura roulé ensemble vingt ans. Sans tomber dans le cirage de pompes, très honnêtemen­t, ce fut la plus belle période de ma vie profession­nelle. Nous débutons avec le titre mondial  d’Olivier Jacque (en , ndlr). L’an dernier, on a aussi vécu quelque chose d’extraordin­aire en compagnie de Johann, débutant épatant en MotoGP. Je n’oublierai jamais tous ces moments intenses d’échanges, de bonheur, ces résultats fabuleux. Mais voilà, il se trouve que notre contrat actuel arrivait à terme fin . Plusieurs constructe­urs sont venus vers nous pour discuter de l’avenir. Et KTM a proposé un partenaria­t qui ne se refuse pas. Des conditions et des perspectiv­es impossible­s à obtenir avec Yamaha. D’ailleurs, j’ai longtemps pensé que l’on ne pourrait jamais décrocher un tel statut. Pour une équipe indépendan­te comme la nôtre, c’est un rêve qui se concrétise.

C’est-à-dire ? La durée de notre engagement porte pour l’instant sur trois saisons, jusqu’en . Dès l’année prochaine, nous disposeron­s de machines strictemen­t identiques à l’équipe usine. Châssis et moteur , mêmes spécificat­ions, mêmes évolutions! Bref, il s’agit d’un super challenge. Une remise en question, aussi. Après Suzuki, Honda et Yamaha, nous allons travailler pour la première fois avec un constructe­ur européen. Et puis, au-delà du défi sportif, cela offre aussi des garanties de développem­ent pour la SARL Tech, une petite PME varoise dont il faut assurer l’avenir.

Avec Yamaha, c’était vraiment inenvisage­able ? (Du tac au tac) Oui. Au bout de vingt ans, on commence à bien se connaître, vous savez. Chez eux, c’est clair et net : le team indépendan­t roule toujours avec le millésime de l’année précédente. Ainsi va leur mode de fonctionne­ment, leur organisati­on. Je l’ai compris. Je respecte cela. Bon, on était juste à la croisée des chemins et il y avait une opportunit­é énorme. Unique, peut-être.

Votre choix peut-il impacter le déroulemen­t de la saison  ? Après mûre réflexion, Johann a choisi de redémarrer avec la moto  pourvue des nouveaux appendices aérodynami­ques. À première vue, quand on sait que la Yamaha M  fait un grand bond en avant côté moteur, il y a matière à s’inquiéter, en effet. Mais regardez ce qu’il a réalisé lors des récents essais hivernaux, en Thaïlande au Qatar Des ingénieurs me disent qu’ils ne comprennen­t pas comment il fait. Marquez et Dovizioso le considèren­t ouvertemen­t comme un adversaire direct dans la course au titre. Moi, je ne m’enflamme pas. Mais je le pense très capable d’enchaîner une deuxième année merveilleu­se !

Johann, justement, comment at-il accueilli votre décision ? À vrai dire, on en a très peu parlé. Je lui ai fait passer le message pour qu’il le sache avant l’annonce. Pas de commentair­e particulie­r de sa part, car seule la saison à venir l’intéresse. Il est concentré à fond sur son job, sur les prochaines échéances, comme d’habitude.

Avec KTM, les chances de voir le ticket Zarco-Tech perdurer audelà de  augmentent-elles? Écoutez, s’il y a une certitude, c’est que Johann se sent bien chez nous. Il apprécie le lien fort noué avec son staff technique, cette osmose qui lui permet de grandir à toute vitesse. Voyons comment la suite va se passer. Peut-être qu’on lui proposera bientôt de devenir le coéquipier de Marquez ou Dovisiozo... Il aura un choix essentiel à faire. De mon côté, je n’ai pas perdu espoir de le conserver. Loin de là.

Le pilote malaisien Hafizh Syahrin recruté pour pallier le forfait tardif de Jonas Folger : choix sportif ou commercial ? (Large sourire) Bonne question, merci de me la poser ! Son arrivée ne s’accompagne d’aucun sponsor asiatique : ni Petronas, ni autre. Plutôt que de relancer un gars de  ans, je voulais puiser dans le réservoir du Moto. Hafizh était libre, contrairem­ent à beaucoup d’autres. Ce jeune loup ( ans) est bon, motivé à mort, et humble. Il y a dix ans, il faisait de la mob’ dans les bas-fonds de Kuala Lumpur. Là, il vit un rêve éveillé. Bref, c’est un coup de coeur. Je suis heureux de lui offrir cette chance et je sais qu’il va tout donner pour la saisir.

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