Chasseurs d’avions
Aux abords des aéroports, ils cherchent à photographier les avions. Rencontre avec deux « spotters », un Hyérois et un Gardéen, que la photo passionne autant que l’aviation.
Vous avez de la chance, c’est le vol de la matinée.» Non, Hervé Dermoune et Vincent Barriat ne travaillent ni à l’aéroport, ni à la Base d’aéronautique navale (BAN) d’Hyères. Pourtant, c’est tout comme. Perchés sur leur butte de terre longeant la piste de décollage et armés de leurs appareils photos, ils n’attendent qu’une seule chose : le départ de l’avion. Mais pourquoi faire? Hervé se charge de répondre: « Nous sommes des spotters. C’est-à-dire des observateurs et des photographes d’avions. C’est une passion, une occupation. » Avant notre rendez-vous, Hervé est même allé faire un tour à Notre Dame-deConsolation, à Costebelle, point de vue plongeant sur la piste, pour apercevoir ce qu’il y avait sur le « parking ».
Une rencontre sur la bute
Si les deux passionnés ne sont pas de la même génération – Hervé a 24 ans et Vincent 51 –, leurs souvenirs d’enfance sont similaires. Le plus ancien détaille : « Nous avons tous les deux eu un père militaire. Forcément, on baigne dedans depuis tout petit. » De son côté, Vincent est spotter depuis 1986. « Je me suis d’abord beaucoup amusé, dans mon enfance, sur les maquettes d’avion. Ensuite, j’ai souhaité découvrir les gros modèles. Et en photo, c’est tellement beau, que j’ai décidé d’y consacrer du temps. » D’ores et déjà passionné de photographie, Hervé a quant à lui tout naturellement associé ses deux passions : «J’ai toujours aimé faire de la photo. Je suis aussi ce qu’on appelle un chasseur d’orage. J’essaye de saisir et de capturer, grâce à mon appareil, les divers orages, tempêtes, éclairs qui viennent frapper la région. Étant passionné d’aviation et pour me diversifier un peu, j’ai ensuite tenté les avions. Et depuis, je ne m’arrête plus ! » Pour ce qui est de leur rencontre, Hervé et Vincent s’en rappellent comme si c’était hier : « C’était ici, sur la butte! On s’est rendu compte qu’on fréquentait le même forum de spotter et au fur et à mesure, on a fini par se donner rendez-vous pour prendre des photos… jusqu’à devenir amis ! » S’ils font office de références dans le coin, les deux hommes sont en quête permanente d’apprentissage. Vincent détaille : «Pour ça, on fait des kilomètres ! », sourit-il, avant d’enchaîner : « On retrouve des collègues à Orange, Nice ou encore Marignane. On a même eu l’occasion d’aller en Bretagne pour un exercice spécial de l’OTAN. Certains spotters de France étaient invités et on en faisait partie. C’était une belle expérience. » Férus d’aviation, Vincent et Hervé assouvissent leur passion dès qu’ils déplient leur matériel. Les autorités, notamment militaires, voient cette passion – débordante – d’un autre oeil. Vincent se charge de prendre la parole : «On va dire qu’ils ne nous aiment pas trop. Pourtant, quand on voit comment sont utilisés les spotters dans d’autres pays, on peut se rendre compte qu’ils sont utiles. » Et Hervé d’enchaîner : « Lors des Jeux olympiques de Londres, en 2012, des spotters avaient même été engagés par l’organisation pour servir à la sécurité du pays. Il n’est pas question de nous armer. Mais avec nos objectifs, on peut voir très loin. Et surtout prévenir si une personne mal intentionnée s’approche un peu trop près. Je pense que dans cette optique, on peut être très utile. »
Démocratiser le spotting
Hervé et Vincent l’avouent facilement, ils ne comptent plus le nombre de fois où ils se sont fait reprendre de volée par les militaires. Mais pas question de lâcher. Hervé s’explique: « Nous ne sommes pas des nuisibles ! On cherche simplement à allier deux passions, la photo et l’aviation. Ce qui est interdit par la loi, c’est de photographier des installations militaires. Ce n’est pas notre but ! Nous, on se focalise vraiment sur les avions. C’est ce qu’on trouve fascinant. » Afin de démocratiser encore un peu plus leur passion, les deux compères ont pour objectif de créer une association locale. Hervé conclut: «C’est dans les tuyaux. Si on peut encore un peu apaiser les autorités et leur faire comprendre notre démarche, ce ne sera que mieux. »