Le bras de fer
On sait comment une grève commence, on ne sait jamais comment, ni quand elle s’arrête. Celle qui s’annonce est dite « perlée », c’est-à-dire que les syndicats grévistes ont choisi l’alternance, pendant trois mois, entre trois jours de travail pour les cheminots, et deux jours de grève. C’est-à-dire la façon la plus sûre de désorganiser les transports ferroviaires, en rendant difficiles pour ne pas dire impossibles les prévisions établies par la direction de la SNCF et du même coup en organisant pour les usagers une « galère » permanente, pour les entreprises des difficultés presque insurmontables d’organisation du travail, et en paralysant partiellement, c’est d’ailleurs le but, la France entière. Le mouvement fera-t-il tâche d’huile ? C’est évidemment le désir des syndicats, et surtout celui de Philippe Martinez, le patron de la CGT, qui tente de planifier « la convergences des luttes» pour répondre aux souhaits d’une base qu’il a tout fait pour radicaliser. Ce n’est pourtant pas sûr. Pour deux raisons au moins. La première est que les Français, tout en respectant le droit de grève, sont conscients de ce que toutes les réformes proposées par le gouvernement d’aujourd’hui auraient dû être faites depuis longtemps, et notamment celle de la SNCF. Ils sont aussi les premiers à savoir que les trains en France n’arrivent plus toujours à l’heure, et que, notamment en région parisienne, ils ne le sont plus jamais. Ils savent aussi que toute journée de grève coûte environ vingt millions à la compagnie déjà déficitaire. La seconde est que le Premier ministre et la ministre des transports, Elisabeth Borne, ont encore des marges de manoeuvre : déjà, la réforme, telle qu’elle sera discutée dans les jours qui viennent avec les syndicats, ne passera pas obligatoirement par des ordonnances. Le gouvernement, qui maîtrise en outre le calendrier, a mis aussi un peu d’eau dans son vin : les cheminots pourront conserver certains de leurs acquis s’ils passaient au privé. Une chose est certaine : sur la réforme elle-même, Emmanuel Macron ne reculera pas, même si les modalités s’assouplissent. Cette certitude exaspère les syndicats, mais elle peut aussi les amener, les uns après les autres, ou les uns contre les autres, à la résignation.