Var-Matin (Grand Toulon)

Autopsie d’une défaite

Sèchement battu par le PSG pour la cinquième fois de rang, Monaco a manqué sa finale, la deuxième en un an. Comment la bande à Leonardo Jardim a-t-elle fait pour passer à côté?

- MATHIEU FAURE

Contre-feu, nom masculin, peut se définir par l’action de brûler, dans la direction d’un incendie de forêt, des parties de bois pour créer un vide que le feu ne pourra franchir et qui arrêtera l’incendie. À Bordeaux, l’arbitrage vidéo et son utilisatio­n ont été, par exemple, des contre-feux parfaits pour les Monégasque­s (lire aussi ci-dessous) .Endéplaçan­t une partie de l’analyse d’après-match sur l’arbitrage vidéo de Clément Turpin, les joueurs de l’ASM ont réussi à dribbler les questions sur leurs performanc­es individuel­les et collective­s de samedi soir. Car, sur le pré, Monaco a manqué son match. Par analogie, Leonardo Jardim a aussi manqué le sien. C’est suffisamme­nt rare pour être souligné. Comme à Lyon l’an dernier, l’ASM s’est inclinée par trois buts d’écart en finale de Coupe de la Ligue face au PSG. Cette fois-ci, les circonstan­ces atténuante­s sont moins évidentes. L’an dernier, Falcao et Fabinho n’étaient pas là, la trêve internatio­nale avait épuisé mentalemen­t les néo-internatio­naux (Mbappé, Lemar, Bakayoko) et la bande à Jardim avait d’autres objectifs bien plus élevés en ligne de mire (championna­t, Ligue des champions). Là, difficile de se retrancher derrière les mêmes excuses. Qu’est ce qui n’a pas marché à Bordeaux? Au premier rang, il y a le choix des hommes.

Jovetic sur le banc...

Auteur de six buts sur ses cinq derniers matches, Stevan Jovetic est l’homme en forme du moment à l’ASM. Son statut de remplaçant en début de rencontre en a donc étonné plus d’un. D’autant que Falcao, 4 buts en 2018 mais déjà trois blessures musculaire­s cette saison, ne semble pas avoir retrouvé ses sensations de l’été et pense sans doute à sa première coupe du monde, lui qui a manqué la précédente sur blessure. Jardim aurait pu les associer au coup d’envoi mais non, le Portugais n’est pas un grand fan de l’idée : « Jovetic était en difficulté en début de saison, et puis il est revenu au meilleur moment. Il est très proche du profil de Falcao, qui aime revenir chercher les ballons. C’est difficile un mariage entre deux attaquants du même style. Je préfère deux attaquants différents : un qui prend la profondeur, l’autre plus technique. C’est compliqué de les faire jouer ensemble alors qu’ils ont le même ADN. » Moralité, les deux hommes ont débuté la seconde période dans un 4-4-2 très offensif... quand Monaco avait deux buts de retard. «SiJardim change à la pause, c’est qu’il s’est trompé en début de match, quelque part, c’est un aveu d’échec », avance un proche du vestiaire présent dans les tribunes de Bordeaux.

Tielemans victime collatéral­e

Comme souvent, Youri Tielemans a fait les frais de cette réorganisa­tion tactique. Le Belge, qui dispute sa première saison à l’ASM, n’a pas trouvé sa place. Grosso modo, Jardim n’a pas encore réussi à mettre le Belge dans les meilleures dispositio­ns tactiques. Que ce soit dans un milieu de terrain à deux éléments ou en numéro 10 dans un 4-2-3-1, l’ancien d’Anderlecht n’arrive pas à s’exprimer. Il est soit trop haut, soit trop livré à lui-même. Samedi, on l’a même vu s’exiler côté droit où il devait déborder et centrer. Il n’a pas démérité mais il est sans doute plus facile de le sortir sans ménagement à la pause plutôt que Joao Moutinho, pourtant loin d’être à son avantage face au PSG.

Glik tire la langue

Globalemen­t, Monaco n’a pas pu se reposer sur ses cadres ou supposés tels en finale. Subasic, Glik, Joao Moutinho et Falcao, soit la colonne vertébrale de l’équipe, n’ont pas brillé. Que les raisons soient mentales et/ou physiques, ces quatre garçons ont donné l’impression de ne pas avoir de jus. Kamil Glik, par exemple, a disputé son 41e match de la saison avec l’ASM, auxquels il faut ajouter sept rencontres avec la Pologne, ce qui fait du défenseur l’un des joueurs les plus utilisés en Europe alors qu’il sort, déjà, d’une saison à 58 matches. La fatigue accumulée par le Polonais renvoie au mercato d’été. En privant certains postes de réelles concurrenc­es, Monaco s’est exposé à l’éventuelle fatigue mentale de certains titulaires. On y est.

Lemar isolé

D’autres internatio­naux cherchent un second souffle. Thomas Lemar, bluffant l’an dernier, n’a pas encore retrouvé de sa superbe. Oui, il a été gêné par des blessures mais le gaucher a, aussi, été trimballé sur le terrain. Milieu gauche, droit, numéro 10, il a tout connu cette saison. À Bordeaux, il a mis un temps fou à toucher ses premiers ballons alors qu’il était censé être le dépositair­e du jeu. Comme ses copains, il a raté sa finale et d’aucuns se posent des questions sur la réelle qualité de cette équipe finalement plus proche de l’OM et de l’OL que du PSG. C’est sans doute ingrat d’être aussi sévère après une défaite en finale, surtout quand elle intervient dans un temps fort collectif (dix victoires, quatre nuls, une défaite en 2018 avant samedi); mais Monaco va terminer sa saison sans titre. La deuxième place reste entre ses crampons. C’était l’objectif du club et donc celui fixé à Leonardo Jardim. Souvent épargné par les critiques, l’entraîneur va boucler sa quatrième saison sur le Rocher sur le podium, ce n’est pas rien. Et dans tous les cas, il a dans ses poches les meilleurs contre-feux du moment. À Bordeaux, Monaco n’a rien pu faire contre Mbappé, ancien de la maison vendu au rival. Dès lors, comment résister ? C’est une manière de voir les choses. Mais ce n’est pas la seule.

 ?? AFP) ?? Lemar (en médaillon), Subasic et Sidibé repensent à un samedi soir compliqué pour l’AS Monaco.(Photos
AFP) Lemar (en médaillon), Subasic et Sidibé repensent à un samedi soir compliqué pour l’AS Monaco.(Photos

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