Jean-Pierre Ducournau le self-made-man du transport Portrait
Dans le métier depuis soixante ans, l’ancien ouvrier, devenu transporteur puis patron, a connu l’âge d’or de la profession. S’il a passé la main à son fils Frédéric, il élève toujours la voix
Son bureau reflète bien le personnage. Des photos de famille, de bolides de course et une grande carte de l’Europe où se rendent ses camions ornent les murs. Y figurent aussi les nombreux prix et coupes qu’il a reçus. À 70 ans, même à la retraite et ayant passé la présidence à son fils Frédéric Jean-Pierre Ducournau est toujours le grand patron. L’oeil malicieux, observateur sans le montrer, il raconte avec gentillesse comment, tout jeune, il a très tôt aimé les camions et voulu faire ce métier. « J’avais un voisin qui était transporteur. J’ai été bercé dans ce métier dès mon plus jeune âge. J’allais faire des déchargements. J’ai toujours dit que je ferai ce métier. »
« Avec mon dix tonnes, c’était déjà l’Amérique ! »
De 1966 à 1971, le jeune Toulonnais, issu du quartier du Pont-deBois, travaille pour les chantiers navals de La Seyne comme électricien de bord, en tant qu’ouvrier intérimaire qualifié. « J’avais un collègue, les transports Étienne, qui ne pouvait plus conduire. Il m’a vendu son camion, un 608 Mercedes de 2,5 tonnes de charges utiles. Je suis monté à Paris livrer et recharger pendant un an et demi. » En 1973, il rachète un autre camion aux transports Lamarça. « Le transporteur a pris sa retraite et m’a vendu sa carte rouge, la fameuse licence de transport, et le camion. J’ai aussi racheté une licence pour faire la zone longue et avec ce superbe camion de dix tonnes, c’était déjà l’Amérique ! » Deux ans plus tard, Jean-Pierre Ducournau achète une deuxième licence et un semi-remorque. Le Toulonnais multiplie les trajets entre Paris, Toulon et Marseille, le point central du transport dans la région. Avant d’acquérir, en 1974 un Volvo F89, qui signera son histoire d’amour avec le constructeur suédois. Le destin frappe à sa porte lorsque Jean-Pierre Ducournau démarche le spécialiste des cheminées René Brisach en 1979. « Ils étaient en pleine expansion et cherchaient des transports. Pendant huit ans, j’avais travaillé seul à mon compte. C’est là que j’ai pris des chauffeurs à la fin de l’année 1979. J’étais artisan transporteur. J’ai eu jusqu’à quinze camions pour Brisach et je me suis développé avec d’autres clients dans la viticulture en plein essor et d’autres marchés. » Entre-temps, le transporteur est parti de Toulon pour s’établir à Flassans dans les années 80, sur un petit dépôt pour commencer. « On était sur l’axe routier Marseille/Nice et je pensais que l’activité économique industrielle se développerait dans le Moyen-Var. » Au fur et à mesure, les terrains, qui comptent aujourd’hui à Flassans, le siège social et 40 000 m² de bâtiments, font douze hectares. D’autres agences ont été créées à Gonesse (95) près de Roissy, Meyzieu (69), Peynier (13), Cavaillon (84) et Douai (59). Pour un total de 140 000 m² de surface aujourd’hui. Le début de l’année 2018 ayant célébré l’extension de l’entrepôt à Douai et l’inauguration de deux nouveaux bâtiments dédiés à la logistique, à Flassans.
Plus de M€ d’euros de chiffre d’affaires
L’entreprise pèse aujourd’hui plus de 40 M € de chiffre d’affaires et compte plus de cinq cents salariés. « Nous sommes l’une des entreprises de transport les plus importantes en France en privé, souligne Jean-Pierre Ducournau, élu transporteur de l’année en 2011 et dont les camions se rendent partout en Europe (sauf en Allemagne), ainsi qu’en Corse et en Tunisie. « Un de nos véhicules circule chaque jour dans chaque département de France », soit 420 véhicules. S’il est à la retraite depuis 2009 et a passé la main à Frédéric arrivé en 1990 dans l’entreprise, Jean-Pierre Ducournau reste un ardent défenseur des métiers du transport. Président fondateur de l’Organisation des transports routiers (Otre) au niveau national, il en est toujours président d’honneur. « Ça me passionne toujours. L’activité transport et logistique se porte bien chez nous, confie-t-il. Mais le métier est à bout de souffle. Tous les avantages que nous a octroyés l’État ont été redistribués à nos chargeurs et nous avons encore aujourd’hui des prix inférieurs à quarante ans en arrière. C’est notre profession, nous les patrons, qui n’avons pas su redistribuer nos gains de production
à nos salariés et qui en avons fait profiter nos chargeurs. Aujourd’hui, si nous avons un problème de personnel dans la profession, il ne faut s’en prendre qu’à nous. Nos chauffeurs, de ce fait, se désintéressent de ce métier. » Et d’ajouter que « sans les aides de la loi Fillon, la totalité des entreprises de transport serait avec des bilans négatifs. Nous sommes devenus une profession d’assistés. Nous vivons toujours avec la même marge qui s’approche de zéro. L’avenir est incertain car nous sommes aussi attaqués sur les prix par les pays de l’Est qui ont un régime fiscal et social nettement plus avantageux. Aujourd’hui sur la route, un camion sur deux est étranger ».
« Ça me passionne toujours »