Var-Matin (Grand Toulon)

Christophe Pinna : l’heure de vérité ! PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

En quête de légitimité, le karatéka niçois (50 ans), dont l’objectif N°1 se situe à l’horizon 2020 avec les JO de Tokyo, ambitionne, aujourd’hui aux championna­ts de France à Reims, un podium qui lui ouvrirait à nouveau les portes de l’équipe de France…

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Comme une cicatrice intérieure qui ne se serait jamais refermée. Une blessure à l’âme presque invisible, mais bien tenace… Après avoir touché au Graal, à Munich en 2000, avec ce titre de champion du monde toutes catégories (le seul et unique qui manquait encore à un palmarès qui le plaçait pourtant déjà au rang de légende vivante de son sport), Christophe Pinna avait choisi de remiser ses kimonos. De « tourner la page ». Oui mais voilà, 17 ans plus tard, le CIO a mis un peu le bazar dans sa tête, en introduisa­nt le karaté dans le programme olympique. « Il ne fallait pas qu’ils allument ce feu, ça a réveillé l’étincelle en moi. En fait, je suis de la même génération que David Douillet. On a connu la même consécrati­on, au même moment (avec, pour les deux hommes, conquêtes des plus hauts sommets et remise à titre honorifiqu­e du 6e dan). Mais lui, après, a envoyé des cartes postales de Sydney, alors que moi, j’étais resté à la maison. Pour une discipline comme la nôtre, l’une des plus pratiquées au monde avec ses 250 000 adhérents, je trouvais cela anormal que l’on n’ait pas notre place aux Jeux... ».

Reparti de zéro

Le fabuleux destin de celui qui, entre temps (et entre autres activités), aura coaché les participan­ts de la Star Académy et monté sa propre société (elle intervient notamment dans les Ephad auprès des personnes en perte d’autonomie), devait donc à nouveau basculer. Et l’annonce de son retour à la compétitio­n faire l’effet d’une véritable bombe dans le milieu, 17 ans, il est vrai, après l’arrêt de sa carrière. Mais, néanmoins, ne lui parlez-pas de « défi ». Lui, évoque davantage ‘’une trajectoir­e

de vie’’. « J’avais stoppé ma carrière sportive après avoir réalisé un rêve. Et franchemen­t, j’étais un homme épanoui. En tout cas, à des années lumière d’imaginer remonter un jour sur les tatamis. Quand a été officialis­é le fait que le karaté devenait enfin olympique, j’ai d’abord été très sincèremen­t heureux pour les jeunes. Parce qu’il faut savoir qu’à mon époque, on a milité pour ça, en combattant même avec les anneaux olympiques sur le kimono. Et puis, insidieuse­ment, l’idée a fait son chemin. C’est un peu comme lorsque tu perds tes clés : tu n’arrêtes plus d’y penser. Et puis, fatalité, ce sera à Tokyo, au Japon, le berceau du karaté. Alors, peu à peu, c’est devenu comme une évidence. Et après en avoir parlé à ma famille et uniquement à ma famille, j’ai commencé à m’entraîner très dur. Tellement dur que j’ai fait pas mal de bêtises. Ce n’était pas une préparatio­n physique intelligen­te. Et je me suis fait mal, en esquintant mon corps, mais aussi fais mal sur un plan psychologi­que. En fait, je voulais vraiment voir si j’avais toujours cette “envie”, si j’avais encore cette flamme qui fait le champion. Si, à 5 heures du matin, je tendais le bras pour arrêter le réveil où si je parvenais à me lever pour aller courir alors que, franchemen­t, ça ne m’apportait pas grand-chose. En trois mois, je n’ai jamais tendu le bras... »

Des milliers de soutiens

Et celui qui s’est doté, dans l’intervalle, de jolies références sur le marathon (moins de 2h45) d’entamer alors un vrai parcours du combattant. Repartant presque de zéro, avec l’humilité accrochée en bandoulièr­e et quasi aucune certitude pour lui servir éventuelle­ment de béquilles. En perdant d’ailleurs plus de combats en un an

que pendant toute sa carrière. « Mon sport, techniquem­ent, a beaucoup évolué. Et il a fallu que je m’adapte. C’était aussi une période très dure parce que j’ai été très

souvent blessé », glisse celui qui, un jour, s’était fait ambassadeu­r de son sport dans les favelas de Rio et qui, aujourd’hui, soulève au moins autant de questions qu’il suscite d’admiration. A l’image de cette dame qui lui a récemment adressé un poignant témoignage de soutien, regrettant juste de ne pas être en mesure, s’il venait à décrocher son sésame, d’aller l’encourager au Pays du Soleil Levant, parce que malade et se sachant condamnée... Ils sont d’ailleurs des milliers à le suivre sur les réseaux sociaux. Des milliers à qui, bien malgré lui, il a transmis une part de rêve. Fait croire que rien, dans la vie, n’est jamais impossible. Parce que, qu’il aille au bout de l’histoire ou pas, Christophe Pinna est avant tout un homme bien. Au parcours hors-norme, aux valeurs solidement ancrées dans son ADN, et au caractère toujours aussi droit. Quelques instants en sa compagnie suffisent à s’en convaincre...

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