Mai 18 n’aura pas lieu
Tolbiac, Tolbiac la rouge, évacuée à l’aube par les CRS. Une heure a suffi. De l’autoproclamée « Commune Libre de Tolbiac », qui se rêvait en bastion de la lutte contre la « sélection », foyer de résistance à la « dictature macronienne », ne restent que des slogans – inspirés parfois, souvent indigents - aux murs des amphis, et des dégradations à réparer à grands frais. Blocage levé à Sciences Po Paris, aussi, sans même que la police ait à intervenir. Là comme ailleurs, il a suffi que les étudiants puissent s’exprimer sans contrainte, via Internet, et non dans l’ébullition d’AG habilement confisquées, pour que s’impose l’évidence : quoi qu’ils pensent de la réforme de l’accès à l’université, la majorité d’entre eux veulent d’abord travailler et passer leurs examens. Non, ne sera pas un nouveau . Cours, camarade, la révolution est derrière toi. « Une seule étincelle peut mettre le feu à la plaine » ,disait Mélenchon il y a quelques jours. Lui et les siens y ont mis du leur, présents sur tous les fronts, soufflant sur toutes les braises. « Il faut tout conflictualiser. TOUT conflictualiser », professait-il en dans une sorte de vade-mecum révolutionnaire à l’usage de ses partisans (dont la vidéo virale vient de faire surface sur internet). Dieu sait que les sujets de conflit ne manquent pas. SNCF, Air France, fonctionnaires, gens de justice, etc. Mais voilà, jusqu’ici, jusqu’ici en tout cas, le feu ne prend pas. La spécificité des revendications catégorielles, l’absence de front syndical, les méfiances de la gauche politique envers les visées « impérialistes » de Mélenchon : tout cela fait que la coagulation du mouvement social reste pour l’heure un mirage. Et l’opinion n’en veut pas, qui s’inquiète plutôt de la montée du désordre et des atteintes à l’Etat de droit. En témoigne le relatif échec de la manifestation du avril - une de plus, une de trop ?-, qui devait être un moment de « convergence des luttes ». Alors que la grève des cheminots s’essouffle et qu’un recul du gouvernement paraît de plus en plus improbable, la CGT cherche à sortir de l’impasse en élargissant le front social. Cette stratégie de la tache d’huile ne marche pas davantage et les cortèges clairsemés de Paris ou Marseille montraient plutôt que la contestation tend à se replier sur le noyau dur des militants. De sorte que sur le terrain social, comme dans les universités ou à Notre-Dame-des-Landes, ce que doit redouter le gouvernement, c’est moins l’embrasement général, «le feu à la plaine », que la zadisation des conflits. C’est-à-dire la prolifération de mouvements radicaux minoritaires, d’autant plus radicaux qu’ils sont plus minoritaires, refusant tout compromis, jusqu’à assumer de rompre avec la légalité. Il faut se méfier des feux mal éteints..
« Les sujets de conflit ne manquent pas. Mais voilà, jusqu’ici, jusqu’ici en tout cas, le feu ne prend pas ».