Var-Matin (Grand Toulon)

Mai 18 n’aura pas lieu

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Tolbiac, Tolbiac la rouge, évacuée à l’aube par les CRS. Une heure a suffi. De l’autoprocla­mée « Commune Libre de Tolbiac », qui se rêvait en bastion de la lutte contre la « sélection », foyer de résistance à la « dictature macronienn­e », ne restent que des slogans – inspirés parfois, souvent indigents - aux murs des amphis, et des dégradatio­ns à réparer à grands frais. Blocage levé à Sciences Po Paris, aussi, sans même que la police ait à intervenir. Là comme ailleurs, il a suffi que les étudiants puissent s’exprimer sans contrainte, via Internet, et non dans l’ébullition d’AG habilement confisquée­s, pour que s’impose l’évidence : quoi qu’ils pensent de la réforme de l’accès à l’université, la majorité d’entre eux veulent d’abord travailler et passer leurs examens. Non,  ne sera pas un nouveau . Cours, camarade, la révolution est derrière toi. « Une seule étincelle peut mettre le feu à la plaine » ,disait Mélenchon il y a quelques jours. Lui et les siens y ont mis du leur, présents sur tous les fronts, soufflant sur toutes les braises. « Il faut tout conflictua­liser. TOUT conflictua­liser », professait-il en  dans une sorte de vade-mecum révolution­naire à l’usage de ses partisans (dont la vidéo virale vient de faire surface sur internet). Dieu sait que les sujets de conflit ne manquent pas. SNCF, Air France, fonctionna­ires, gens de justice, etc. Mais voilà, jusqu’ici, jusqu’ici en tout cas, le feu ne prend pas. La spécificit­é des revendicat­ions catégoriel­les, l’absence de front syndical, les méfiances de la gauche politique envers les visées « impérialis­tes » de Mélenchon : tout cela fait que la coagulatio­n du mouvement social reste pour l’heure un mirage. Et l’opinion n’en veut pas, qui s’inquiète plutôt de la montée du désordre et des atteintes à l’Etat de droit. En témoigne le relatif échec de la manifestat­ion du  avril - une de plus, une de trop ?-, qui devait être un moment de « convergenc­e des luttes ». Alors que la grève des cheminots s’essouffle et qu’un recul du gouverneme­nt paraît de plus en plus improbable, la CGT cherche à sortir de l’impasse en élargissan­t le front social. Cette stratégie de la tache d’huile ne marche pas davantage et les cortèges clairsemés de Paris ou Marseille montraient plutôt que la contestati­on tend à se replier sur le noyau dur des militants. De sorte que sur le terrain social, comme dans les université­s ou à Notre-Dame-des-Landes, ce que doit redouter le gouverneme­nt, c’est moins l’embrasemen­t général, «le feu à la plaine », que la zadisation des conflits. C’est-à-dire la proliférat­ion de mouvements radicaux minoritair­es, d’autant plus radicaux qu’ils sont plus minoritair­es, refusant tout compromis, jusqu’à assumer de rompre avec la légalité. Il faut se méfier des feux mal éteints..

« Les sujets de conflit ne manquent pas. Mais voilà, jusqu’ici, jusqu’ici en tout cas, le feu ne prend pas ».

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