Var-Matin (Grand Toulon)

A  ans, le Bar Mar-Vivo n’a pas dit son dernier mot

Tenu depuis 1932 par la famille Fiorito, l’établissem­ent emblématiq­ue du quartier vient de changer de main, après qu’Yvonne a tiré sa révérence, l’année dernière

- J. P. jpoillot@nicematin.fr

Une page se tourne dans le quartier de Mar-Vivo, au bout de l’anse des Sablettes. Celle d’une histoire qui a commencé il y a si longtemps que les moins de 86 ans ne peuvent la connaître. L’histoire de la famille Fiorito, qui commence donc en 1932, lorsque Joseph et Agnès rachètent un magasin pour en faire un “bar hygiénique”, alors situé à quelques mètres de son actuel emplacemen­t – il avait dû être reconstrui­t après une expropriat­ion pour l’élargissem­ent d’une route en 1977 - au bord du rond-point, sur l’avenue Pablo-Neruda.

La télé du quartier

« À cette époque, les voitures n’étaient pas encore à essence, mais tirées par des chevaux. Les cochers puisaient l’eau du puits pour les faire boire, pendant qu’eux se rafraîchis­saient de limonade », raconte aujourd’hui Martine, petite-fille des deux “pionniers”. Elles sont les témoins privilégié­s de ce passé. Les dernières gardiennes de moments qu’elles ont à coeur aujourd’hui de partager, avec tous ceux qui ont connu leurs grands-parents puis, plus tard, leurs parents. Des souvenirs qu’elles se sont construits, ou qu’on leur a transmis, comme celui-ci, encore : «Après la guerre, le quartier est redevenu animé. On jouait aux boules devant le bar et quand une voiture se pointait, on lui disait d’attendre : on finissait de jouer, on ramassait les boules, on faisait passer la voiture… et la partie reprenait. Elle était pas belle la vie, à cette époque ? Loin des coups de klaxon, des gens pressés…» En 1955, “Pépé” décède et “Mémé Agnès” tiendra le comptoir quelques mois encore. « Puis, en janvier 1956, mes parents - Louis et Yvonne Fiorito - reprennent les rênes du bar et créent le restaurant, reprend Martine, qui a grandi ici. Certains se souviennen­t encore des bouillabai­sses, des moules farcies, gratinées et marinières de maman… » Ils investisse­nt dans une télévision. Tout le quartier se rassemblai­t alors pour regarder «La piste aux étoiles», «La caméra explore le temps», « L’opérette » du dimanche après-midi, sans oublier le journal de 20 h... « Pas de dispute pour le programme : il n’existait qu’une seule chaîne ! »

Le vélo de “Loulou”

Elle se souvient encore des bals du samedi soir «où les jeunes du quartier venaient s’amuser, flirter et de certains qui se sont même mariés» ; des concerts et des spectacles de magie durant l’été… En 1987, “Loulou” prend sa retraite, laissant à sa femme, plus jeune, le soin de perpétuer la tradition. Mais il n’est jamais bien loin. À Mar-Vivo, beaucoup se souviennen­t encore de Loulou lors de ses promenades à vélo, tenant en laisse Houdin, le caniche. Mais en 2000, un client entre dans le bar, croyant surprendre Loulou en pleine sieste, tandis qu’Yvonne se repose à l’étage. «Hélas il ne s’est pas réveillé… Mais il est parti comme il le souhaitait : dans son bar», indique Martine. Son épouse tirera à son tour sa révérence en 2017, à 87 ans, après avoir “tenu la boutique” jusqu’au bout. Leurs filles Martine et Élisabeth, qui ont pris des voies profession­nelles différente­s, ont ensuite mis en vente l’affaire familiale. « Nous souhaition­s que ça reste un bar-restaurant, comme l’auraient voulu nos parents, confie Martine… Mais pendant plusieurs mois, personne ne s’est manifesté. « Ça a bien failli devenir une agence immobilièr­e : on avait même presque signé, mais au dernier moment, ça ne s’est pas fait. Et puis Hadrien et Damien sont arrivés (lire ci-dessous). Comme ci, de là-haut, quelqu’un veillait au grain», veut-elle croire. Une page s’est tournée à Mar-Vivo, mais l’histoire de “son” bar n’est pas finie.

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(Photos DR) Martine et Elisabeth, ici avec leurs parents Loulou et Yvonne, dans les années , derrière le comptoir où se tenaient déjà leurs grands-parents avant elles.
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« Ma mère est restée dans son bar jusqu’au bout, explique Martine. Elle ne voulait pas en partir. À la fin, c’était un peu sa maison de retraite... »

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