LA DIVERSITÉ AU CINÉMA
Faut-il imposer des quotas ?
E lles ont monté les marches mercredi. Seize actrices, des têtes d’affiches aux seconds rôles, qui ont témoigné contre le racisme et le sexisme dans l’ouvrage Noire n’est pas mon métier (Seuil). « Et puis tout d’un coup, il y avait cet acteur coréen, il a levé le poing, il a dansé avec nous, c’était fort. » Sonia Rolland raconte le tapis rouge. « J’ai rarement vu autant de noirs au Festival de Cannes ! » C’est une conférence de presse, alors un journaliste demande si leurs homologues américains leur ont donné des conseils. La réponse ? « Les États-Unis n’ont pas de conseils à nous donner, ce n’est pas la même histoire. C’est à nous de trouver des solutions ici. » Au premier rang, il y a Aïssa Maïga. Elle a écrit la préface du livre, coordonné les témoignages qui se croisent et se ressemblent parfois, édifiants tout le temps. « On aimerait que le cinéma nous intègre telles que nous sommes aujourd’hui et non en image d’Épinal », précise Rachel Khan. Doyenne du collectif, Firmine Richard parle pour les absentes : « Je ne me considère pas comme une rescapée mais j’ai eu de la chance. Beaucoup ne sont plus là, parce qu’elles n’ont pas
pu s’accrocher et perdurer ». Juste en face d’elles, un mur de photos en noir et blanc d’acteurs célèbres. Tous blancs. Rachel Kahn le regarde et dit : « Vous savez, il y a parfois des petits détails qui nous heurtent ». Sonia Rolland
enchaîne : « C’est très rare qu’on se retrouve sur ce genre de mur. Il faudrait que cette volonté se retrouve aussi chez les autres, que ce soit encore plus large, ce n’est pas un combat de noirs, c’est un combat français. »
Elle répète : « Le constat, c’est qu’aujourd’hui, on ne peut pas monter un financement de film sur une actrice noire. Un homme, oui, mais ils se comptent sur les doigts d’une main. » Le collectif réfléchit justement à une solution pour agir « à certains endroits du financement pour provoquer plus de diversité », évoque Aïssa Maïga, sans pouvoir « en dire plus pour le moment ». Pour Sonia Rolland, il faut imposer des quotas pour avoir des rôles de premier plan tenus par des actrices noires. « Je sais que tout le monde n’est pas d’accord avec ça. Mais je leur dis, toi qui a le privilège d’écrire ce que tu veux, ouvre ton spectacle à toutes ces femmes et tous ces hommes. »