La Confédération paysanne a occupé le vignoble de Bolloré
Hier au domaine de La Croix, à La Croix-Valmer les représentants du syndicat agricole ont choisi un symbole pour dénoncer l’accaparement des terres par des financiers
Les paysans et paysannes ont visé un symbole hier, en s’invitant au domaine viticole de La Croix qui appartient à Vincent Bolloré. Le chef d’entreprise est en effet propriétaire de deux exploitations soit 242 hectares à La CroixValmer, et plus de 403 000 ha de terres agricoles dans le monde (1). Venus de toute la France, soixante-dix militants de la Confédération paysanne (CP) ont voulu, par cette action, dénoncer l’accaparement de terres exercé par des financiers qui, en France et dans le monde, font du business avec les terres.
Trois fois plus que l’or
Alors que le dialogue n’a pas vraiment pu s’installer entre les personnels du domaine, pris au dépourvu, et les « manifestants », le maire est arrivé sur les lieux, avant la police et la gendarmerie. Et il a défendu l’industriel : « Ici, le domaine a fait faillite à cause d’une mauvaise gestion. M. Bolloré est le seul qui a mis des moyens pour racheter. Ce sont des viticulteurs qui travaillent ici», rappelle Bernard Jobert. « Une vingtaine de jeunes, de familles pourraient vivre ici et pas des salariés, ce n’est pas la même chose, lui répond Christian Roqueirol, de la commission internationale de la CP. Et le premier centime que M. Bolloré met ici, il le défiscalise. C’est nous qui payons pour lui parce que les lois le permettent. Les autres paysans ne profitent pas de cette tricherie financière ». «Il nous empêche de travailler. Cette action nationale s’inscrit dans la dénonciation du phénomène rampant de l’industrialisation de l’agriculture », ajoute Christine Riba, secrétaire nationale de la CP. « Le foncier, c’est le nerf de la guerre. Sur le marché mondial, la terre vaut sept fois plus que l’immobilier, trois fois plus que l’or» selon Fanny Metrat, qui milite aussi à la Via Campesina.
La Safer critiquée
«En Provence, on connaît cette problématique prédatrice. Le prix de l’hectare de vigne est passé de 20000 à 70 000 € en quelques années. De très nombreux domaines sont aux mains d’investisseurs fortunés et étrangers. Le prix des domaines produisant du rosé a été multiplié par dix en 10 ans, un chiffre déconnecté de la rentabilité économique des domaines qui avoisine 2 à 5 % par an », informe Sylvain Apostolo, porte-parole départemental du syndicat agricole. Dans le Var, où l’agriculture est essentiellement viticole, « c’est un obstacle au développement de la diversité agricole. Les pouvoirs publics ne font rien contre cette spéculation » constate-il. « La Safer manque de volonté pour redistribuer les terres et de moyens », regrette Michel Apostolo, co-président du Collectif de défense des terres fertiles. « Elle préfère vendre plutôt que de stocker à notre demande pour installer trois ou quatre paysans. Il y a aussi un problème de transparence, la Safer ne peut pas préempter sur des parts sociales de société ». Les personnels du domaine de La Croix ont tous refusé de s’exprimer.
1. En 2017, le groupe Bolloré possédait selon la Confédération paysanne « 3 000 ha aux USA, 18 473 au Sierra Leone, 12 9 407 au Liberia, 18 249 au Ghana, 33 113 au Nigeria, 34712 en Côte d’Ivoire, 12004 au Cambodge,49340 en Indonésie, 29538au Congo, 4917 à Sao Tomé, 73591 au Cameroun. »