Se préparer à l’assaut des plus hauts sommets pour éviter le pire
C’est une première en Paca : le Centre régional de médecine du sport d’Antibes ouvre une consultation de médecine de montagne assurée par le Dr Belleudy, expert reconnu
Jusqu’à 1 000 m, pas d’inquiétude, tous les organismes sont capables de supporter les effets de la baisse de pression d’oxygène à cette altitude. Entre 1000 et 2500 m, les choses se compliquent un peu pour les personnes présentant certaines pathologies (diabète, maladies cardiovasculaires, rénales, insuffisance respiratoire chronique etc.), et en fonction de l’effort. Au-delà de 2 500 m, que l’on soit en bonne ou en mauvaise santé, selon l’effort, le risque de développer un mal de montagne augmente avec l’altitude atteinte et le temps d’exposition. Et si l’on souhaite prendre d’assaut des sommets supérieurs à 5 500 m, autant le savoir, les risques sont de plus en plus importants. Aucun espoir audelà de 8 800 m : il est impossible de survivre plus de 24 heures, le métabolisme de base (vie « au repos ») consommant à lui seul la quantité d’oxygène disponible à cette altitude. » Le Dr Pierre Belleudy est l’un des meilleurs spécialistes du domaine. Après avoir coordonné les secours en montagne pour les sapeurspompiers, il est aujourd’hui médecin fédéral national de la Fédération française de la montagne et escalade. Et c’est lui qui assure, depuis le 18 juin dernier, la consultation très innovante de médecine de montagne installée au sein même de l’hôpital d’Antibes. « Elle s’adresse autant aux professionnels aguerris partant faire des plus de 6 000 m, qu’aux nombreux pratiquants de la montagne, jeunes ou plus âgés, qui eux aussi veulent aller en altitude. Il s’agit de les renseigner sur la prévention, proposer la réalisation de test d’hypoxie, éventuellement, si certaines pathologies sont présentes, contre-indiquer des séjours en altitude ou conseiller une modification du parcours. »
Maux de tête, fatigue, vertiges…
En ligne de mire, le mal aigu des montagnes. Généralement bénin (si rien n’est fait, il peut néanmoins causer la mort en quelques heures), il se manifeste par des maux de tête, une fatigue importante, des troubles du sommeil, des vertiges, une perte d’appétit, des nausées, une irritabilité ou encore des erreurs de jugement. « Associés à une montée trop rapide en altitude, ces premiers symptômes apparaissent généralement au-delà de 10 h de séjour au-dessus de 2 800 m. Si le randonneur continue sa progression malgré ces signes de mauvaise adaptation, on peut voir apparaître des complications graves : oedème pulmonaire (toux, difficultés respiratoires), oedème cérébral (maux de tête intenses non soulagés par l’aspirine, vomissements, troubles de la vue, parfois troubles psychiatriques). » Le spécialiste pointe l’importance de l’acclimatation. «Il faut environ 36 h pour s’acclimater. Et, au-dessus de 2 800 m, il est impératif de réaliser des paliers de 450 mètres entre deux nuits. Si l’itinéraire impose une dénivelée supérieure (800 m par exemple pour franchir un col), il sera impératif de redescendre pour dormir à une altitude ne dépassant pas 450 m de plus que celle de la nuit précédente. » Deuxième règle : confronté à des symptômes comme de la fatigue, des nausées… survenant au-dessus de 2 800 m, il faut comprendre qu’ils sont dus à l’hypoxie d’altitude et arrêter aussitôt la progression. «On commence par prendre 1 g d’aspirine, de paracétamol ou 400 mg d’ibuprofène. Il faut penser aussi à bien s’hydrater et se reposer. Si les symptômes ne se dissipent pas, il faut redescendre le plus vite possible. » Des éléments rappelés lors de la consultation. « En fonction de l’interrogatoire, des facteurs de risque, des antécédents, du projet, on évalue la nécessité d’examens complémentaires (cardiologiques, endocrinologiques, ophtalmologiques, etc.) et d’un test en hypoxie. » Un test qui s’apparente au test d’effort classique, à ceci près qu’il est réalisé dans des conditions similaires à celles rencontrées à 4 800 m d’altitude, en termes de pression d’oxygène.
Nul n’est à l’abri
« Grâce à un logiciel, on diminue la quantité d’oxygène de l’air respiré, et on peut évaluer si le sujet est capable d’un effort malgré cette exposition ou s’il est ‘‘mauvais répondeur’’ à l’hypoxie d’altitude et à risque. » Un détail de taille: ce risque est indépendant de l’entraînement, de la technicité et il peut évoluer avec le temps. Alertés par les médecins experts d’altitude, les ministres de la Santé et des Sports signaient conjointement l’arrêté du 24 juillet 2017 fixant les caractéristiques de l’examen médical spécifique relatif à la délivrance du certificat médical de non-contreindication à la pratique des disciplines sportives à contraintes particulières, dont l’alpinisme au-dessus de 2 500 mètres d’altitude. Et aussi les compétences des médecins susceptibles de réaliser ces examens. Condition parfaitement remplie à Antibes.
« On diminue la quantité d’air ambiant et on évalue le risque »