Pourquoi les hommes sont-ils aussi cruels avec les animaux ?
Sévèrement punis, les cas de cruauté se multiplient pourtant dans les Alpes-Maritimes et le Var. Tentative d’explications
Tout acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est passible de deux ans de prison et de 30000€ d’amende. Déjà plus de 70 000 signataires réclament, par pétition, une « punition exemplaire » à l’encontre du Grassois qui, en juin, a tué à coups de marteau le petit chien de sa compagne. Cacahuète, un yorkshire de 9 ans, avait eu le tort de s’oublier dans leur appartement. Début juin, deux chatons avaient été jetés par la fenêtre d’un immeuble du VieuxGrasse (Alpes-Maritimes), leurs cadavres découverts par une voisine. Le 6 mai, une tortue y avait subi le même sort, victime… d’une dispute conjugale. Sa carapace délabrée, elle n’avait même pas supporté le transport vers la clinique vétérinaire où une bénévole du collectif Urgence pour un animal (UPA 06) espérait la sauver. Partout dans les Alpes-Maritimes, des cas de maltraitance soulèvent l’indignation. À Antibes, ce sont des chiots balancés par-dessus la grille du cimetière de Rabiac. L’un retrouvé mort et l’autre agonisant. À Cannes, une marmotte enfermée dans une poubelle. À Séranon, en novembre 2017, deux ânes et un cheval laissés à l’abandon par leur propriétaire.
Reconnus comme des êtres vivants et sensibles
Ce dernier a été condamné à verser 2500€, dont 1 500€ à l’association Au service des animaux (ASA 06) et 500€ à la Fondation Brigitte Bardot, parties civiles. Dernière violence en date : une femme donnant des coups de pied dans un sac contenant deux chiots d’un mois à Cannes, le week-end du 14 juillet dernier. Quels sont les ressorts qui poussent des individus a priori normalement constitués à infliger de tels traitements à des animaux sans défense ? Depuis 2015, ceux-là sont reconnus dans le Code civil comme des êtres vivants et sensibles. Les bêtes ne sont pas des choses, ni leur martyre un spectacle à partager sur Internet. Leur salut viendra peut-être des mêmes réseaux sociaux, utilisés par les défenseurs des animaux comme une caisse de résonance, un relais et une plateforme où l’émotion se met au service d’une mobilisation instantanée. Avec, déjà, des résultats encourageants.
sciente d’eux-mêmes très dévalorisée. La violence est une façon d’exprimer l’inverse, c’està-dire le pouvoir qu’ils ont sur l’autre. En l’occurrence, sur un animal sans défense. »
Pulsion de mort
Le mouvement d’indignation que ces actes suscitent dans l’opinion est généralement considérable. Il résulte d’un processus d’identification à la victime: «Là encore, c’est à rapprocher de ce que produisent les sévices sur enfants.» Il revient à l’esprit de Georges Juttner le souvenir de l’appel téléphonique d’une enseignante que la copie d’un jeune élève avait interpellée. « Devant faire une rédaction sur la façon qu’il aurait d’utiliser une après-midi libre, ce collégien avait raconté sa rencontre avec un chien dans la rue. Le chien le suivait, le garçon lui donnait à manger et s’ensuivait une scène d’une violence extraordinaire au cours de laquelle l’animal était attaché à un radiateur et frappé à l’aide d’une chaîne, aucun détail n’étant épargné sur la description du chien couvert de sang. La rédaction se terminait ainsi : “Ouf, je me suis réveillé et c’était un cauchemar…” L’enseignante était très inquiète, mais pour moi tout se rétablissait avec cette conclusion.» Même si, souligne le pédopsychiatre, «ce que l’on écrit est toujours un miroir de soi-même ». Sommes-nous tous exposés à de tels accès de violence? « Nous avons en nous des représentants de la pulsion de mort, mais nous savons les exprimer autrement », dit Georges Juttner. Qui rappelle que, dès la toute petite enfance, nous sommes soumis à cette dualité entre la vie et la destruction, ce que l’éducation a pour mission d’équilibrer. «La pathologie, c’est quand la pulsion de mort prend le dessus», schématise le docteur Juttner, en évoquant la littérature et la peinture comme deux moyens parmi d’autres de s’en débarrasser, en donnant à cette pulsion « une forme acceptable pour autrui ».