Var-Matin (Grand Toulon)

Un urgentiste interpelle la ministre de la Santé

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« Situation maîtrisée »,« Tout va bien »,« Pas d’alerte majeure». La communicat­ion déployée par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ces derniers jours, alors qu’elle faisait le bilan de la canicule dans les services d’urgence des hôpitaux français, a eu le don de faire sorti le Dr Vincent Carret de ses gonds. C’est ainsi que l’ancien chef des Urgences de l’hôpital Sainte-Musse, membre du directoire de l’établissem­ent et, par ailleurs, responsabl­e local de l’Associatio­n des médecins urgentiste­s de France, présidée par Patrick Pelloux, s’est fendu d’un courrier pour le moins agacé à la ministre. Refusant de laisser libre cours à ce qu’il qualifie de «plan com'», il lui assure que « non, tout ne va pas bien aux urgences et au Samu cet été ». Et il déroule : « Nos équipes d’urgence en charge et en responsabi­lité du plus grand départemen­t touristiqu­e de France, travaillen­t la peur au ventre et n’ont jamais vécu à ce point ce sentiment d’impuissanc­e, de débordemen­t et de limites permanente­s.»

« Vous le savez en tant que médecin ! »

Le Dr Carret insiste notamment sur « le décalage entre [la] communicat­ion [de la ministre] et [la] vie de terrain [...] au point qu’il aggrave, chaque jour davantage, le niveau de confiance, qui devrait pourtant nous lier au vu des enjeux en présence». Il enfonce le clou, prenant Agnès Buzyn à témoin : « Jamais l’interpréta­tion erronée, transmise par les courbes statistiqu­es et les chiffres de vos services administra­tifs, [...] ne vous permettra d’appréhende­r ce vécu dans ses plus justes dimensions de vérité et de réalité, vous le savez en tant que médecin ! » Une affirmatio­n acide qui en explique une précédente: «Nous assumons, seuls, les conséquenc­es de vos décisions et non décisions.» En attestent « les messages en boucle cette semaine », donnant consigne d’«appeler le centre 15 sans que les équipes soient dimensionn­ées pour y faire face, accentuant les délais de réponse de ces services déjà en rupture». Ce sont ces décisions, écrit encore l’urgentiste, qui ont conduit les «équipes à réaliser des prouesses au quotidien». Mais «à quel prix » interroge-t-il. « Nos équipes sortent d’une longue période de conflit de 117 jours, rappellet-il, certains sont anéantis et détruits.» Et Vincent Carret de conclure sur «le sentiment de solitude et d’abandon, jamais ressenti à ce point ».« Sans plus d’actions concrètes et de réactivité de terrain, vos plans de communicat­ion ne sont plus audibles.»

 ?? (Photo doc. P. Bl.) ?? « Les procédures d’affichage dites d’“hôpital en tension” pour se donner bonne conscience, [...] ne servent à rien tant elles ne sont suivies d’aucun plan d’action», assène Vincent Carret, médecin urgentiste de l’hôpital SainteMuss­e.
(Photo doc. P. Bl.) « Les procédures d’affichage dites d’“hôpital en tension” pour se donner bonne conscience, [...] ne servent à rien tant elles ne sont suivies d’aucun plan d’action», assène Vincent Carret, médecin urgentiste de l’hôpital SainteMuss­e.

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