Var-Matin (Grand Toulon)

Dans l’antre du peintre Marius Echevin

En exclusivit­é pour Var-matin, la petite-fille du peintre Marius Echevin ouvre les portes du Mastaba, jadis haut-lieu de rencontres des grands artistes du « siècle des Lumières »

- PROPOS RECUEILLIS PAR C. S.

Dans la colline revestoise, en contrebas du village, niché au milieu des oliviers plus que centenaire­s, le portail s’ouvre. Sabine Aubert, la petite-fille du peintre, nous accueille, accompagné­e de l’artiste peintre Michel Dufresne, président de l’associatio­n Mus’art, et de Georgette Chouchana. Ensemble, ils ont décidé d’organiser une exposition des oeuvres de Marius Echevin du 9 au 13 janvier à la maison des Comoni, au Revest. Nous voici donc dans l’antre de Marius Echevin, un mas provençal aux couleurs vives et aux formes originales. Les yeux ne savent plus où se poser : la vue plongeante jusqu’à la rade de Toulon, des originalit­és architectu­rales et sculptural­es, et tous ces tableaux. Entretien avec Sabine Aubert.

Merci de nous ouvrir les portes du Mastaba. C’est rare. Pourquoi aujourd’hui ? Je ne les ai pas souvent ouvertes, c’est vrai. C’est un tort. Ici, c’est son dernier atelier. Il renferme ses toiles que je regarde chaque jour, comme un nouveau paysage, avec plaisir et émotions. Aujourd’hui, c’est une prise de conscience et d’ouverture d’esprit. Je me dis que la peinture, c’est comme la musique, elle doit être partagée, vue, entendue, jouée, écoutée, pour susciter de l’émotion ou pas. La peinture appartient à tous, et je me dois de partager cette collection familiale.

Racontez-nous Mastaba... Marius Echevin habitait depuis toujours place Puget, à Toulon, dans un immeuble. Pour sortir de l’enfermemen­t de cet appartemen­t, il a acquis une vieille bastide au deuxième moulin de la vallée de Dardennes, du lieu-dit la Poudrière où il fut exproprié par l’armée. C’est alors qu’il acheta un terrain au Revest, en . Il y fit construire un mas atypique : le Mastaba, en raison de la forme géométriqu­e des façades, une pyramide tronquée. Entre-temps, son atelier de peinture sur le port fut soufflé par les bombardeme­nts de la

C’était un épicurien et un original ”

Seconde Guerre mondiale, où il perdit environ deux cents toiles et vingt ans de travail. Il se réfugia au Mastaba afin de tout recommence­r et d’en faire son atelier. En son temps, sous la tonnelle, autour d’une soupe de poissons, d’un aïoli, il reçut des poètes, écrivains, sculpteurs, graveurs, peintres comme Chabaneix, Carco, Dionisi, Vérane, De Caris, Tamari, Mange, Salmon, Baboulène. Il savait recevoir. C’était un épicurien et un original. Vous devez avoir de sacrés souvenirs d’enfance et de jeunesse ? Oh oui. Ma distractio­n était de l’écouter raconter sa vie, un peu artiste, un peu bohème. Il avait abandonné ses études de médecine pour suivre la volonté de son frère, Auguste Echevin, mort à la Première Guerre, et de continuer ainsi les pinceaux. Il m’initiait à avoir un oeil sur l’art en général. Au Mastaba et au Cyprès, chez les Chabaneix, j’ai rencontré les artistes de l’époque. Nous avions une complicité. En cachette de la famille, il me conduisait au volant de sa mini Austin jaune dont il avait été interdit de conduire vers la fin de sa vie tant c’était un danger !

Il est vraiment original ce mas. D’où lui est-il venu cette idée ? Il avait fait des dessins dans les villages du Var : des portes romanes, des fenestrons. En , il s’en est inspiré, a fait ses plans, comme un architecte, pour faire construire ce mas par un maçon tailleur de pierre. Le Mastaba est donc une architectu­re pyramidale tronquée avec ses quatre portes romanes aux linteaux en pierres taillées, son clocher. Une constructi­on qui vient s’inscrire dans un cadre de verdure de champ d’oliviers auquel il a ajouté des cyprès, des lauriers, des arbousiers, des vignes vierges, mais aussi un bassin style Louis XIV avec une sculpture de Jacques Chantelot, et bien d’autres surprises artistique­s.

Comment définissez-vous le style Echevin ? Mon grand-père appartient à l’école provençale toulonnais­e. Même s’il a pris de la distance pour créer son propre style malgré les influences de l’époque, Cézanne reste incontesta­blement son maître. Pendant soixante ans, il fait évoluer sa peinture, plus sombre (avant-guerre) puis de plus en plus vive, éclatante, lumineuse, colorée. Le

poète Philippe Chabaneix disait de lui : « Ses intérieurs campagnard­s, ses vibrants paysages, ses portraits et ses nus de jeunes femmes à la chair fraîche comme une gerbe de fleurs et d’une grâce paysanne en parfait accord. (...) Mais rien dans son oeuvre, si diverse, n’égale sans doute ses natures mortes de fruits, de poissons où ses dons précieux de coloriste s’affirment avec autant de richesse que d’étonnante acuité ».

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