Elisabeth Leonskaja :
« On joue du piano avec ses mains, son émotion et sa culture »
C’est une grande dame, une légende du piano même, que le Festival de Menton a accueilli sur le parvis Saint-Michel pour une interprétation émouvante de Schubert et de Schumann : Elisabeth Leonskaja. Elle règne sur les scènes internationales depuis soixante ans, depuis qu’enfant prodige elle donnait ses premiers concerts à l’âge de 11 ans. C’était en Russie, ellemême étant née en Géorgie d’une famille russe. En 1978, elle « passa à l’Ouest », franchissant pour toujours le rideau de fer, et s’établit à Vienne. Mais elle ne veut plus parler de cet épisode historique et politique. Enfermée dans la tour d’ivoire de la musique, elle perçoit à peine l’évolution du monde à côté d’elle. Sa vie se trouve au coeur de ses partitions. Et dans ses partitions, son monde est infini. Les deux premières fois qu’elle était venue au festival de Menton, c’était en 2001 et 2009. Elle en garde un mauvais souvenir... météo : « Il a plu les deux fois. Et les deux fois j’ai été obligée de jouer dans l’église » !
Qu’est-ce qui vous fait courir dans votre carrière ?
La musique ! J’en ai un besoin physique. Lorsque je joue, ce n’est pas moi que je présente en scène mais la musique que j’interprète. C’est la musique qui est importante, pas ma personne… Ce qui me fait courir, c’est aussi mon public. Il m’est indispensable. Les spectateurs sont mon “miroir”. Chaque fois que je suis en scène, j’ai l’impression de me refléter dans mon public. Ce qui fait que mes interprétations varient suivant les publics devant lesquels je joue.
Les spectateurs sont-ils si différents à travers le monde ?
Oui ! Les Français recherchent une communion spirituelle, les Allemands ont une approche intellectuelle, les Russes recherchent une émotion au fond de leur coeur, les Japonais sont avides de perfection, les Hollandais recherchent dans le concert une énergie vitale... Tout cela se ressemble mais est quand même différent ! Quant aux Anglais, ils sont différents suivant les heures de la journée. Le public de heures n’est pas le même que celui de heures ou de heures. Il faut prendre les spectateurs tels qu’ils sont au moment de la journée où l’on joue.
Et au cours de plus d’un demisiècle de carrière, avez-vous observé une évolution du public ?
Non, je sens chez les gens qui viennent m’écouter la même passion pour la grande musique, quelle que soit la manière dont ils la reçoivent.
Vous êtes un pur produit de l’École russe du piano. Pouvez-vous la définir ?
Elle se caractérise par une discipline dans le travail, une recherche de la profondeur de son, et une liberté d’esprit dans l’interprétation.