Var-Matin (Grand Toulon)

Elisabeth Leonskaja :

« On joue du piano avec ses mains, son émotion et sa culture »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANDRÉ PEYREGNE

C’est une grande dame, une légende du piano même, que le Festival de Menton a accueilli sur le parvis Saint-Michel pour une interpréta­tion émouvante de Schubert et de Schumann : Elisabeth Leonskaja. Elle règne sur les scènes internatio­nales depuis soixante ans, depuis qu’enfant prodige elle donnait ses premiers concerts à l’âge de 11 ans. C’était en Russie, ellemême étant née en Géorgie d’une famille russe. En 1978, elle « passa à l’Ouest », franchissa­nt pour toujours le rideau de fer, et s’établit à Vienne. Mais elle ne veut plus parler de cet épisode historique et politique. Enfermée dans la tour d’ivoire de la musique, elle perçoit à peine l’évolution du monde à côté d’elle. Sa vie se trouve au coeur de ses partitions. Et dans ses partitions, son monde est infini. Les deux premières fois qu’elle était venue au festival de Menton, c’était en 2001 et 2009. Elle en garde un mauvais souvenir... météo : « Il a plu les deux fois. Et les deux fois j’ai été obligée de jouer dans l’église » !

Qu’est-ce qui vous fait courir dans votre carrière ?

La musique ! J’en ai un besoin physique. Lorsque je joue, ce n’est pas moi que je présente en scène mais la musique que j’interprète. C’est la musique qui est importante, pas ma personne… Ce qui me fait courir, c’est aussi mon public. Il m’est indispensa­ble. Les spectateur­s sont mon “miroir”. Chaque fois que je suis en scène, j’ai l’impression de me refléter dans mon public. Ce qui fait que mes interpréta­tions varient suivant les publics devant lesquels je joue.

Les spectateur­s sont-ils si différents à travers le monde ?

Oui ! Les Français recherchen­t une communion spirituell­e, les Allemands ont une approche intellectu­elle, les Russes recherchen­t une émotion au fond de leur coeur, les Japonais sont avides de perfection, les Hollandais recherchen­t dans le concert une énergie vitale... Tout cela se ressemble mais est quand même différent ! Quant aux Anglais, ils sont différents suivant les heures de la journée. Le public de  heures n’est pas le même que celui de  heures ou de  heures. Il faut prendre les spectateur­s tels qu’ils sont au moment de la journée où l’on joue.

Et au cours de plus d’un demisiècle de carrière, avez-vous observé une évolution du public ?

Non, je sens chez les gens qui viennent m’écouter la même passion pour la grande musique, quelle que soit la manière dont ils la reçoivent.

Vous êtes un pur produit de l’École russe du piano. Pouvez-vous la définir ?

Elle se caractéris­e par une discipline dans le travail, une recherche de la profondeur de son, et une liberté d’esprit dans l’interpréta­tion.

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(Photo Jean-François Ottonello) Soixante ans de carrière pour cette grande dame du piano.

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