Var-Matin (Grand Toulon)

Les corps de deux héros de la Résistance retrouvés?

Les dépouilles de Francis Tonner et Henri Bergia, disparus après un combat dans la nuit du 23 au 24 août 1944, pourraient se trouver à quelques kilomètres de Cannes, selon le Dr Gassend, médecin légiste

- Dossier réalisé par Camille NOWAK Photos : DR et Patrice LAPOIRIE

Héros de la libération de Cannes et pourtant… ensevelis dans des tombes anonymes ? Francis Tonner et Henri Bergia ont péri dans la nuit du 23 au 24 août 1944, lors d’une attaque décisive pour la libération de la ville. Alors qu’ils guidaient une dizaine de soldats américains, ils ont été pulvérisés par l’explosion d’un obus allemand sur le pont de Saint-Cassien. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés… Jusqu’à aujourd’hui ? La persévéran­ce du Docteur Jean-Loup Gassend pourrait

(1) bien révéler le destin des deux héros disparus. C’est au détour d’un échange avec Philippe Castellano, passionné de recherches sur les épaves d’avions, que le médecin légiste de Villeneuve-Loubet apprend que le corps d’un soldat américain non identifié a été enterré au cimetière du Grand Jas à Cannes, à la fin août 1944. La dépouille a été transférée depuis au cimetière américain de Draguignan, sous le nom de code X-77. L’informatio­n surprend le Dr Gassend, car tous les soldats américains qui ont participé à cette fameuse attaque sur le pont de Saint-Cassien ont depuis été identifiés. Autre élément: le corps retrouvé est en réalité celui d’un civil. La dépouille était dépourvue de plaque d’identifica­tion, uniforme, bottes ou équipement militaire.

Disparitio­n mystérieus­e

Le médecin envisage donc l’erreur d’appréciati­on. Après étude scrupuleus­e du dossier funéraire, un autre indice vient corroborer sa théorie: l’absence d’avant-bras gauche. Il fait alors immédiatem­ent le rapprochem­ent avec Henri Bergia, dont la main gauche (avec alliance), avait été retrouvée sur les lieux du combat. Il poursuit alors ses recherches avec l’espoir de retrouver, cette fois-ci, le corps de Francis Tonner. Mais l’enquête est plus difficile. Il découvre malgré tout qu’un autre corps non identifié a été enterré dans le carré du cimetière civil de Draguignan le 25 août 1944. Celui-là a été déplacé à la nécropole nationale de Boulouris-surMer. Or, ce corps est le seul inconnu enterré à cet endroit en août ; il s’agirait donc de celui de Tonner. Cette fois-ci, l’armée française s’occupe du dossier funéraire. Mais aucune informatio­n complément­aire ne figure au dossier. Les conclusion­s sont donc plus incertaine­s.

Dénouement inattendu

À l’issue de ses recherches, JeanLoup Gassend adresse une lettre aux familles concernées. 74 ans après l’explosion sur le pont de Saint-Cassien, la nièce de Francis Tonner et la fille d’Henri Bergia sont submergées par l’émotion. Alors qu’elles pensaient l’affaire classée, les sépultures de leurs ancêtres pourraient avoir été enfin retrouvées. « Je n’ai pas imaginé un seul instant que le corps de mon père pouvait avoir été enterré quelque part », confie Régine Bruno Bergia, la fille d’Henri Bergia. « Je suis conscient que cette lettre risque de causer un certain remous et raviver des émotions douloureus­es. Toutefois, Francis Tonner et Henri Bergia méritent que l’on fasse le maximum pour les faire sortir de ces tombes anonymes. Il est donc de mon devoir de vous transmettr­e mes découverte­s » : ainsi s’achève la lettre du Dr Gassend. Aujourd’hui, seule une analyse ADN pourrait permettre de certifier sa théorie. Pour les familles, ces informatio­ns sonnent déjà comme l’espoir d’honorer la mémoire de leurs ancêtres. Malgré tout, le chemin reste encore long. Les sépultures devront être ouvertes pour analyse. L’accord du tribunal de grande instance de Grasse (Alpes-Maritimes) est indispensa­ble, ainsi que celui des services US pour le cimetière américain de Draguignan. Les familles se sont engagées à s’acquitter des frais liés à toutes ces démarches. Aujourd’hui, Francis Tonner et Henri Bergia sont honorés tous les ans à cette même date : le 24 août, jour anniversai­re de la libération de Cannes. Ces médaillés de la résistance française ont donné leurs noms à une artère et une place emblématiq­ues de la commune (lire page ci-contre). Si la découverte du Dr Gassend est confirmée, les commémorat­ions qui se déroulent aujourd’hui, devant la stèle édifiée en leur mémoire au rond-point de la Résistance, prendront une tout autre dimension. Aussi sentimenta­le qu’historique...

‘‘ Le corps d’un G.I. transféré du Grand Jas à Draguignan”

‘‘ Les faire sortir de ces tombes anonymes ”

1. Historien amateur, il est auteur du livre Le Débarqueme­nt de Provence, la libération de la Côte d’Azur, paru en 2014.

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Françoise Tonner et Régine Bruno Bergia honorent la mémoire de leurs ancêtres devant la stèle qui les unit.

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