Var-Matin (Grand Toulon)

Valérie Pécresse: «Je veux une droite qui rassemble»

La présidente du mouvement Libres ! et principale opposante à Laurent Wauquiez au sein des Républicai­ns fait sa rentrée politique à Brive. Elle se pose en agitatrice d’idées concrètes

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Valérie Pécresse fait, aujourd’hui, sa rentrée politique à Brive, lors d’un rendez-vous mi-besogneux michampêtr­e auquel participer­a notamment Christian Estrosi, qui y interviend­ra sur la sécurité et le terrorisme, après trois autres tables rondes consacrées au pouvoir d’achat, à la ruralité et à l’immigratio­n. En route vers la Corrèze, la présidente de la Région Ile-de-France et du mouvement Libres ! nous a parlé avec entrain de sa vision d’une droite qui brasse des idées nouvelles.

Lors du Conseil national de LR, le  juin à Menton, vous êtes arrivée en retard et repartie avant les autres, comme évacuant un pensum. Comment vous sentez-vous aujourd’hui chez Les Républicai­ns ? Mon objectif est de marcher sur deux jambes. Les actes à la Région et les idées dans Libres ! J’y défends une certaine idée de la droite, à la fois forte sur le régalien et en même temps pro-entreprise et sociale. Nous essayons de régénérer le logiciel de la droite, en incarnant une alternativ­e nonpopulis­te à Emmanuel Macron, sur des éléments très concrets. C’est pourquoi nous allons parler à Brive d’autorité, de pouvoir d’achat, de baisse des impôts et de la dépense, de solidarité entre les territoire­s, de seconde chance.

Comprenez-vous que les militants LR, qui avaient l’habitude d’un chef, soient aujourd’hui déboussolé­s de voir les chapelles se concurrenc­er ? Je ne suis pas là pour diviser mais pour proposer et j’applique simplement le dicton de Sarkozy : « Quand on veut gagner, on s’élargit. Quand on rétrécit, on perd. » Et moi, je ne veux pas qu’on rétrécisse la droite à une seule sensibilit­é. Je veux au contraire l’élargir et empêcher de partir tous ceux qui sont tentés de quitter la famille. Libres ! est utile pour élargir la droite et rénover son logiciel. Nous avons fait des propositio­ns sur l’immigratio­n, sur l’Europe, sur les déserts médicaux. Nous allons à présent travailler sur le pouvoir d’achat et sur la feuille de paie, sur un donnant-donnant qui associe un meilleur salaire à la baisse des charges. Nous réfléchiss­ons aussi à un big-bang de la baisse de la dépense publique. On est sur les idées. Je ne veux plus entendre que l’opposition n’a pas d’idées, qu’elle ne réfléchit pas, que c’est Macron ou les extrêmes. Eh bien non, il y a plein d’idées à droite qui méritent d’être reprises.

Vos différence­s avec Macron ? Je suis dans une opposition constructi­ve quand Macron réforme, par exemple la SNCF. Dans un certain nombre de domaines en revanche, la sécurité, la baisse des dépenses, l’overdose fiscale, les résultats ne sont pas au rendez-vous. J’appelle donc le gouverneme­nt à un triple sursaut d’autorité, de pouvoir d’achat et de solidarité. Il faut notamment mettre en place un partenaria­t équilibré entre les métropoles et les territoire­s ruraux qui les entourent. Je suis inquiète de la politique d’Emmanuel Macron qui consistera­it à privilégie­r les métropoles par rapport au reste du territoire… Mais je suis tout aussi inquiète de voir certains à droite opposer les villes et les campagnes. La droite française a toujours parlé à tous les Français. Je veux une droite qui rassemble ! Notre pays est déjà assez fracturé, nul besoin de le cliver davantage.

Que préconisez-vous pour la réforme des retraites ? Il faut arrêter l’hypocrisie. La retraite à points ne nous permettra pas de faire l’économie de travailler plus longtemps. L’allongemen­t de la durée de la vie impose de demander aux Français de travailler plus longtemps. Mais si on leur demande de travailler plus longtemps, et un jour on leur demandera de travailler jusqu’à  ans, il faudra que l’allongemen­t de la durée du travail se traduise aussitôt sur la feuille de paie par une baisse des cotisation­s retraite et une augmentati­on du salaire net. C’est cela que j’appelle le pouvoir d’achat par la réforme. En revanche, je suis opposée à ce que l’on touche aux pensions de réversion, parce que c’est un pacte de confiance conclu avec toutes les femmes de France, qui, souvent, n’ont pas eu une carrière complète et bénéficien­t d’une partie de la retraite de leur mari. Remettre cela en cause serait une faute politique.

Pour les européenne­s, comment le candidat de LR va-t-il réussir à faire la synthèse des sensibilit­és différente­s du mouvement ? Face à Trump, Poutine, la menace terroriste et les flux migratoire­s incontrôlé­s, on n’a plus le choix : il faut être pro-européen et sauver l’Europe à vingt-sept. Je suis heureuse de voir que les euroscepti­ques, ceux qui voulaient revenir à l’Europe à six, ont reculé et que Les Républicai­ns aujourd’hui, et je ferai tout pour peser dans cette direction, ont l’air de vouloir défendre l’Europe. J’ai rendu ma copie, j’attends maintenant le projet de ma famille politique, en espérant être entendue. On doit être proeuropée­n et très offensif pour avoir une stratégie d’influence française en Europe. Il faudra mettre sur notre liste des personnali­tés qui connaissen­t l’Europe, des voix fortes et non des recalés du suffrage universel ni des personnes choisies par défaut. L’Europe doit être une sphère d’influence. Je plaide aussi pour qu’on envoie les énarques à Bruxelles, qu’on les oblige à effectuer plusieurs années à la Commission européenne. Il faut enfin arrêter d’accuser l’Europe de nos lâchetés. Si nous avons des déficits excessifs, trop d’impôts et de normes, ce n’est pas de la faute de l’Europe mais de la nôtre. Quand j’entends M. Salvini, le ministre de l’Intérieur italien, dire que le viaduc de Gênes s’est effondré à cause de l’Europe, ça me fait bondir. Les populistes n’ont pas la solution, elle appartient à ceux qui ont le courage de la réforme !

Vous pourriez présenter une liste autonome si l’orientatio­n de la liste LR n’était pas conforme à vos souhaits ? Pour l’instant, je vois que l’euroscepti­cisme recule. Et je vais continuer à mettre tout mon poids dans la balance pour que notre liste soit puissammen­t européenne. Parce que nous n’avons pas le choix : il nous faut plus d’Europe dans la bataille économique et la guerre des frontières, mais une Europe forte et plus française. C’est un vrai défi à relever en étant nous-mêmes exemplaire­s en matière d’emploi et de maîtrise des déficits.

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(Photo AFP) Valérie Pécresse à l’offensive dès aujourd’hui.

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