À Ollioules, la vie est un long canal tranquille
Descendre le canal des arrosants depuis les gorges jusqu’à la plaine, c’est remonter le temps et comprendre comment la cité a lié son existence à un filet d’eau vital. A découvrir dimanche
Fin XIVe ou début XVe siècle ? Impossible de dater précisément la mise en eau du canal des arrosants. Seule certitude, les premières traces écrites connues datent de la fin du XVIe... et son existence a profondément modifié la vie de la commune. Passionné par le patrimoine ollioulais en général et le béal en particulier, Pierre-Marie Gasquy propose pour la troisième année un cheminement au fil de l’eau. Une promenade qui descend des gorges et remonte le temps en suivant un mince filet d’eau dont la discrétion ne laisse pas imaginer l’importance.
Le canal historique
Bien avant l’arrivée du canal de Provence (1977), les Ollioulais savaient en effet que la Reppe n’était pas capable d’assurer l’arrosage durant l’été. Ils ont donc eu l’idée d’aller chercher des sources au coeur des gorges et de creuser la roche pour conduire sur 3,5 kilomètres le précieux liquide jusqu’aux terres fertiles. Contrairement au fleuve côtier soumis à la sécheresse, la source de la Ripelle (depuis rebaptisée Trou de la bombe), la source Labus, la source Allemand et la Mer des fontaines, ne cessent de produire. «Et comme la source Labus donne une eau à une température de 25° toute l’année, l’eau du canal est toujours chaude, précise Pierre-Marie Gasquy. En plein hiver, elle peut être à 20°. On la voit fumer. » Outre sa température, c’est la teneur en souffre de la source Labus qui donne une qualité particulière à l’eau du canal... et un goût la tenant à l’écart des carafes.
La réputation de la commune
La table n’est de toute façon pas la destination des litres qui traversent la commune. « Tout a été conçu pour assurer l’arrosage des exploitations », rappelle Pierre-Marie Gasquy. Après le maraîchage, c’est la production horticole qui en a profité et fait la réputation de la commune lorsqu’en 1856, le chemin de fer a mis les fleurs fraîchement coupées à moins d’une journée des vases parisiens.
Irrigation à tour de rôle
« A tour de rôle, chaque exploitation avait droit toutes les semaines à une minute de débit du canal par lot de 54 mètres carrés de terrain à irriguer. On a calculé que dans les années 50, sur une semaine (10080 minutes), les riverains s’étaient répartis 8000 minutes. » Autant dire que le gâchis n’était pas à l’ordre du jour. Par un savant jeu de martelières, de dérivation et de bassins de réserves (les serves) les agriculteurs captaient de quoi arroser leurs plantations. Un système tombé en désuétude avec l’arrivée du canal de Provence et sauvé in extremis. « Si aujourd’hui, tout est si bien conservé, c’est grâce à la création d’un lotissement à la place des terres agricoles en 1998. Les propriétaires ont ranimé l’historique association syndicale pour le jardinage. Depuis, la commune fait le nécessaire pour converser et mettre en valeur ce patrimoine. »