Etat de disgrâce
Emmanuel Macron a le sens du tragique. N’avait-il pas confié à Edouard Philippe qu’il recevait secrètement juste avant le second tour de la présidentielle alors que sa victoire était acquise : « Je peux finir comme François Hollande ou ne pas finir mon mandat du tout. » Imaginait-il, cependant, que l’opinion se retournerait aussi vite contre lui au point d’en faire le président de la République le plus impopulaire de la Ve République après à peine mois de pouvoir ? Le sondage Kantar Sofres-Onepoint publié hier par le Figaro ouvre, en effet, un état de disgrâce d’une brutalité sans précédent : % seulement des Français jugent le bilan du chef de l’Etat positif ; % l’estiment négatif. Une déception aussi forte que l’attente soulevée par son élection. Comme un rêve brisé. Le reflux est d’autant plus préoccupant qu’il affecte les bataillons d’En marche eux-mêmes : en janvier , % des électeurs macroniens du premier tour de le soutenaient, ils ne sont plus que %. En unété,lepays est passé d’une interrogation inquiète à une condamnation massive. Mais ce n’est pas tout. Le départ du gouvernement de Nicolas Hulot, qui a sans doute contribué à cette accélération du désamour lié d’abord à une forte déception sur les résultats de la politique gouvernementale et au surplace économique du pays –, est à présent suivi de la défection spectaculaire d’une députée d’En Marche qui avait participé à la conquête présidentielle. Frédérique Dumas n’est pas une opportuniste ralliée de la dernière heure. Productrice de cinéma à succès, élue des Hauts-de-Seine, elle claque pourtant la porte du groupe LRM pour rejoindre celui de l’UDI en clamant haut et fort sa déception. Florilège : « On a le sentiment d’être sur le Titanic...On met la transformation du pays aux mains de technocrates hors-sol voire cyniques... Donner son avis s’il n’est pas conforme est vu comme une fronde... Il faut avaler toutes les couleuvres... » Le plus terrible des réquisitoires. Qui livre en outre un envers du décor inquiétant. La question est de savoir si le chef de l’Etat peut entendre ces propos, admettre le rejet de l’opinion et surtout se remettre
en cause. Car il ne s’agit pas comme veulent le croire ses proches d’un simple trou d’air. Le plus dur est devant le pouvoir avec le budget et ses déficits, la croissance qui baisse, l’inflation qui revient, des réformes qui ont peu d’effets et l’affaire Benalla qui ne cesse de rebondir.
« En un été, le pays est passé d’une interrogation inquiète à une condamnation massive. »