Var-Matin (Grand Toulon)

L’amiral Sénès aux marins du Léon-Gambetta :«Nous sommes perdus mes enfants, tâchez de vous sauver ! »

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Le 27 avril 1915, le jour n’est pas encore levé. Le Léon-Gambetta, un croiseur-cuirassé, patrouille dans l’Adriatique, dans une zone baptisée « la Gueule du Loup », proche de la côte italienne. Il participe au verrouilla­ge du canal d’Otrante, avec pour mission d’empêcher les Autrichien­s de rejoindre le détroit des Dardanelle­s, où depuis février, les Français et les Britanniqu­es mènent leur expédition [voir par ailleurs]. Soudain, une violente déflagrati­on secoue le navire. Puis une seconde. Le Léon-Gambetta vient d’être torpillé par un sous-marin autrichien. Les hommes tentent de rejoindre les canots de sauvetage. Mais beaucoup sont remplis de pommes de terre, qui devaient les nourrir. Moins de quinze minutes plus tard, le navire est englouti. Sur les 821 marins, seuls 137 hommes vont survivre et parmi eux aucun officier. Des marins qui viennent du Beausset, de Toulon, La Cadière, Flassans, Ollioules, La Seyne, Cogolin, Menton, Puget-Théniers, Antibes, Cannes, Bastia, Ajaccio, Bonifacio ou de Bretagne...

Récit d’un Varois rescapé

« Enfin, j’arrive sur le pont. Le navire commençait à couler. J’étais nu. J’entends l’amiral qui nous crie : “Nous sommes perdus mes enfants, tâchez de vous sauver !” Alors on cria : “Vive la France !” et on chanta La Marseillai­se », raconte le matelot Montfort, parti de La Cadière faire la guerre. Il sera secouru, plusieurs heures plus tard, par un torpilleur italien. L’Italie est encore neutre dans le conflit, à ce moment-là. L’amiral dont il parle s’appelle Victor-Baptistin Sénès, né à Toulon le 31 mai 1857. Quelques semaines avant la tragédie, il avait écrit à Augustin Boué de Lapeyrère, commandant en chef des forces alliées en Méditerran­ée : « Ilmeparaît indispensa­ble de faire escorter, encadrer les croiseurs par les contre-torpilleur­s, ne seraitce que pour recueillir les équipages des navires qui seront torpillés. » Son courrier est resté sans suite. Décoré de la Légion d’honneur, la citation qu’il reçoit à titre posthume précise qu’il s’est laissé engloutir avec le Léon-Gambetta, parti de Toulon le 3 août 1914. Pour la première fois de l’histoire navale, un sous-marin en immersion torpillait un navire.

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(@collection Michel Augier et DR) Le Léon-Gambetta coule le  avril . Sur  marins,  meurent, dont l’amiral Sénès (ci-contre).
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