Var-Matin (Grand Toulon)

Interview

A la veille du congrès national qui se tiendra à Nice, Danièle Langloys, présidente d’Autisme France, rappelle la nécessité d’aide adaptée aux spécificit­és de chaque personne autiste

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Après avoir établi son siège social dans la région (La Roquette-sur-Siagne), l’associatio­n Autisme France organise son premier congrès national à Nice Acropolis le 17 novembre. Maman d’un garçon autiste, sa présidente, Danièle Langloys, milite depuis des années en faveur d’un grand plan de santé publique. Après la publicatio­n en janvier dernier du rapport accablant de la Cour des comptes, estimant à 6,7 milliards d’euros le coût annuel de la gestion de l’autisme, pour un résultat peu efficace, elle affiche une position claire : «Il faut réaffecter efficaceme­nt cet argent public mal utilisé». Rencontre.

Comment pourrait-on définir l’autisme en quelques mots? Il s’agit d’un trouble neurodével­oppemental très précoce, puisqu’il est présent dès l’état de foetus. Les principale­s caractéris­tiques sont des difficulté­s d’interactio­n sociale, des intérêts restreints et des stéréotypi­es (mouvements répétitifs). Mais il existe des niveaux de sévérité et des profils très différents. La plus grande difficulté, c’est d’adapter, personnali­ser les interventi­ons en fonction du profil, pour parvenir à aider ces enfants ou adultes autistes.

Autisme déficitair­e d’un côté, Asperger à l’autre extrême, ces dénominati­ons ont-elles encore cours? Dès l’an prochain, ces distinctio­ns n’existeront plus . Et c’est tant mieux. On définit les personnes autistes par rapport à leurs besoins d’accompagne­ment, après avoir identifié leurs difficulté­s: certaines ont un besoin constant d’aide, d’autres ont des besoins modérés et variables, mais on ne peut concevoir pour elles de vie autonome sans cet étayage. Enfin, il y a les individus qui ont des besoins d’aide légers; pour eux, la vie en milieu ordinaire est tout à fait possible. ne les empêche pas d’être autistes! Mais c’est plus facile de communique­r avec eux et d’envisager comment les aider au Un mot sur ces grandes familles? niveau social. Les formes très sévères représente­nt Pour les  % restants, on a environ  % des cas. Associés à longtemps parlé de troubles l’autisme, existent

Notre système n’est pas chez ces personnes des troubles

très armé pour conjoints: troubles

coordonner les du développem­ent intellectu­el, troubles

actions sensori-moteurs, absence de langage oral. Et pour un tiers d’entre elles, une épilepsie qui est souvent chimiorési­stante. Pour être efficaces, il faut alors des réponses complexes et coordonnée­s. Or, notre système n’est pas très armé pour coordonner ces actions. À l’autre extrême, il y a des individus avec un bon niveau de compétence­s cognitives: ils représente­nt  % ou plus des personnes autistes. Ce qui Danièle Langloys envahissan­ts du développem­ent. Ils présentent des difficulté­s très variables, mais avec des pics de compétence préservée. Ils peuvent vivre et travailler en milieu ordinaire, mais nécessiten­t d’être accompagné­s. Leurs difficulté­s à comprendre les risques et dangers d’une société les rendent très vulnérable­s…

Vous «militez» pour mieux diagnostiq­uer la maladie. Il faut savoir que  % des adultes autistes ne sont pas diagnostiq­ués. Or, savoir, c’est une aide. Certes, lorsque l’on est autiste, on le reste. Mais, au moins, pour ceux qui ont de bonnes compétence­s cognitives, le diagnostic peut aider à mieux comprendre en quoi résident leurs particular­ités, leurs difficulté­s, sensoriell­es, par exemple. En identifian­t ses difficulté­s, on peut les contrer en observant les autres. Ou au moins se mettre à l’abri, les minimiser. Et puis, savoir, c’est découvrir qu’au moins, ce n’est pas de sa faute. On est né avec un trouble du spectre autistique. Ce n’est pas un cadeau. Mais comme pour tout handicap, on apprend à vivre avec. Et à en tirer le meilleur parti.

Certaines de ces personnes ont une vie normale. Pourquoi mettre à tout prix une étiquette? Effectivem­ent, les adultes autistes avec de bonnes compétence­s cognitives ont pu avoir une vie familiale et sociale. Mais souvent, ils ont beaucoup «galéré», faute d’aide. En fait, plus une personne est consciente de son décalage par rapport aux autres, plus elle en souffre. Elle se sent différente, pas comprise, se retrouve en permanence en difficulté sociale, familiale, affective… Les hommes – ils sont majoritair­es – vont par exemple trouver difficilem­ent une petite amie, parce qu’ils ne comprennen­t pas comment fonctionne­nt les relations affectives, comment on les engage, comment on les préserve… Ils vont de la même façon se faire rejeter dans le monde du travail, parce que là aussi, il y a des codes qu’ils ne comprennen­t pas.

Un message à destinatio­n des familles ? Elles doivent apprendre comment leur enfant fonctionne pour faire partiellem­ent en fonction de cet enfant – parce qu’il y a des choses qu’il ne pourra modifier – mais pour lui apprendre aussi à s’adapter à son environnem­ent. Afin de ne pas le mettre danger et qu’il apprenne aussi à faire des progrès parmi les autres. Il ne restera pas indéfinime­nt avec sa famille. Il faut qu’il apprenne à organiser sa vie par rapport à d’autres.

Présidente d’Autisme France

1. Renseignem­ents : 04.93.46.01.77. www.autisme-france.fr Mail : autisme.france@wanadoo.fr

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(Photo M.D.) « L’enfant autiste doit apprendre à organiser sa vie par rapport à d’autres », insiste Danièle Langloys .
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