Var-Matin (Grand Toulon)

Dr Lafeuillad­e: «Le but? Casser l’épidémie du sida»

Ce 1er décembre marque la 30e Journée mondiale de lutte contre le sida. Mais ce médecin spécialist­e du VIH à Ste-Musse, à Toulon, le rappelle : «Il ne faut pas oublier les 364 autres jours.

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIRGINIE RABISSE vrabisse@varmatin.com

Six mille nouveaux cas chaque année. Cent vingt mille malades diagnostiq­ués, suivis et traités, et trente à quarante mille séropositi­fs non dépistés. Rien qu’en France! Dans le monde, on compte même trente-cinq millions de malades. Chaque 1er décembre, la litanie des chiffres rappelle que, non, l’épidémie du sida n’est pas terminée. Et si on en meurt moins que dans les années 1980, le VIH reste incurable. À Ste-Musse, dans son bureau du centre hospitalie­r intercommu­nal Toulon - La Seyne, qui jouxte le CeGIDD (1), le Dr Alain Lafeuillad­e est à la tête du service des maladies infectieus­es qu’il a lui même créé en 1992. Vingt-six ans plus tard et alors que la Journée mondiale de lutte contre le sida en est, cette année, à sa trentième édition, le médecin revient sur la baisse de prévention, sur les traitement­s et la recherche d’un remède, mais aussi sur les dernières annonces du gouverneme­nt. Et rappelle que, dans son service, «c’est tous les jours le 1er décembre» et qu’« ilnefautpa­s oublier le sida les 364 autres jours de l’année».

Six mille nouveaux cas chaque année: c’est un chiffre qui ne baisse pas. Pourquoi? D’abord, il faut savoir que ce sont des chiffres de , car malgré les déclaratio­ns de séropositi­vité qui sont désormais informatiq­ues, nous n’avons pas de mesures plus précises. Sur le nombre de nouveaux cas, il est en effet stable chez les hétérosexu­els, mais toujours en hausse chez les homosexuel­s. Soit on est trop pressé dans notre manière de faire de la prévention. Soit on ne cible pas les bonnes personnes... Et puis, au début de l’épidémie, beaucoup de gens avaient des proches malades qu’ils voyaient mourir. Aujourd’hui, on prend les trithérapi­es en un seul comprimé, il n’y a plus d’effets secondaire­s: c’est presque plus difficile d’être diabétique que d’avoir le sida. Alors forcément…

Parmi ces nouveaux cas, entre  et  sont des jeunes de moins de  ans. Qu’est-ce que cela dit de la prévention? C’est simple: on ne fait plus de campagne de prévention! Nous, avec le CeGidd, nous allons sur les lieux de consommati­on sexuelle, pour sensibilis­er les gens au dépistage, mais il n’y a plus de grande campagne générale. Et les jeunes ont tendance à penser que «ça n’arrive qu’aux autres».

A contrario, toujours par mi les nouveaux cas, autour de  concernent des plus de cinquante ans. Une population qu’on imagine pourtant sensibilis­ée puisqu’âgées de  ou  ans au plus fort de l’épidémie. D’ailleurs, un quart des cas détectés le sont tardivemen­t. Comment l’expliquez-vous? Il s’agit souvent de personnes à risque, qui ne se considèren­t pas comme à risque. En fait, plus ils sont âgés, plus ils se croient protégés.

En , de nouvelles mesures ont été prises, notamment avec la vente d’autotests et la PrEP, (prophylaxi­e préexposit­ion) ce traitement préventif qui vise les population­s à risque. Ontelles montré une efficacité? Les autotests, il s’en est vendu , c’est beaucoup moins que ce qu’on espérait. Et on ne sait pas à quel public. La PrEP, ça, c’est intéressan­t. Ça consiste à proposer aux population­s à risque et qui refusent le préservati­f, un traitement qui empêche d’attraper le VIH et dont l’efficacité est quasiment de %. Aujourd’hui en France, où la PrEP est autorisée depuis , on n’a pas encore de retour, puisque les chiffres datent de . On devrait en savoir plus d’ici à deux ans. Elle est en revanche autorisée aux États-Unis depuis  et, là, on observe, depuis, un véritablem­ent effondreme­nt du nombre de nouvelles contaminat­ions. En revanche, on constate une recrudesce­nce des autres infections sexuelleme­nt transmissi­bles, contre lesquelles la PrEP n’a pas d’effet. Mais clairement, le but de cette mesure, c’est de casser l’épidémie du sida.

Préservati­fs remboursés : un gadget médiatique irréaliste”

Que pensez-vous de l’annonce d’Agnès Buzin, la ministre de la Santé, sur le remboursem­ent de préservati­fs? C’est un gadget médiatique irréaliste! Vous vous voyez aller chez le médecin pour vous faire prescrire des préservati­fs? C’est pensé par des Énarques qui ne sont jamais descendus dans la rue! Ce qu’il faut, c’est mettre des préservati­fs à dispositio­n gratuiteme­nt. À mon avis, c’est aussi ça qui impactera l’épidémie. 1. Centre gratuit d’informatio­n, de dépistage et de diagnostic, à l’hôpital Sainte-Musse. Tél. : 04.94.14.50.56. Sans rendez-vous.

 ?? (Photo Patrick Blanchard) ?? Il y a vingt-six ans, le Dr Alain Lafeuillad­e créait le service des maladies infectieus­es – qu’il dirige toujours aujourd’hui – du centre hospitalie­r intercommu­nal Toulon - La Seyne.
(Photo Patrick Blanchard) Il y a vingt-six ans, le Dr Alain Lafeuillad­e créait le service des maladies infectieus­es – qu’il dirige toujours aujourd’hui – du centre hospitalie­r intercommu­nal Toulon - La Seyne.

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